Ce dossier réaffirme la place stratégique des ressources ligneuses dans le développement des sociétés anciennes et médiévales. Les contributions mettent en avant le rôle crucial des socio-écosystèmes forestiers dans leur organisation agricole, pastorale, sylvicole, artisanale et protoindustrielle, et cela quelle que soit leur physionomie (boisements, haies, lisières, vergers, prés-bois, etc.). Il paraît évident que la pérennité des sociétés repose en grande partie sur leur capacité à contrôler et à gérer de façon appropriée les ressources naturelles, et en particulier forestières, renouvelables sans toutefois être inépuisables. En fonction du contexte culturel, chronologique, politique ou encore démographique, cela conduit à s’interroger sur le niveau de prise de conscience des sociétés du passé face à l’impact de leur activité sur l’environnement et au problème de la régénération des ressources. Un tour d’horizon, de la Crète minoenne au Maghreb al-Aqṣā des époques médiévale et du xvie siècle, en passant par le sud de la Gaule (Occitanie et les Préalpes françaises) de l’âge du fer à l’époque galloromaine, fait ressortir le rôle complémentaire et indispensable des espaces forestiers et boisés vis-à-vis des espaces cultivés pérennes. Ces derniers ont significativement progressé avec le développement de l’agriculture et de l’élevage au détriment des forêts et des formations arborées plus ouvertes ou clairsemées (appelées « savanes » ou « parcs » dans les régions chaudes et arides), héritées de la dynamique de reconquête forestière post-glaciaire. Ce cheminement qui nous transporte des forêts méditerranéennes sèches aux forêts de conifères tempérées et de montagne, en passant par les formations d’essences mixtes tempérées, met en lumière l’articulation fondamentale entre plaine et reliefs d’une part et entre côte et montagne de l’autre1. De plus, il fait découvrir la diversité des ressources ligneuses utilisées et transformées par les sociétés du passé qui les prélevaient dans des formations et des paysages arborés variés. Cette pérégrination nous fait aussi prendre conscience du rôle central des prélèvements de bois dans la transformation de la couverture végétale et, plus généralement, du milieu et du paysage qui en découlent.