Aux sources du coaching et de ses morales (1930-2018) - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Ethnologie française Année : 2019

Aux sources du coaching et de ses morales (1930-2018)

Résumé

Executive coaching is based on the precepts of self-optimization (Rose, 2006; King, Gerish and Rosa, 2018) linking performance and well-being at work. The article sets this practice in a long history of relations between psychology and management, from the inter-war period onwards, in the French context. The review of this history makes it possible to identify the particularity of coaching ideologies and to position them within the ongoing transformations of capitalism. These ideologies are of two kinds: the “realization of oneself” and the figure of the “entrepreneur of oneself”; and the managerial ideal of the “leader” with “emotional skills” and “know-how”. First, the “realization of oneself” and the figure of the “entrepreneur of oneself” (Bröckling, 2018) are promoted in a context of mass unemployment and changes in executives’ career patterns, where managers are called upon to take themselves in charge and develop their own employability. But, contrary to Bröckling’s analysis which describes a society full of “subjects as marketplaces”, the article – based on intensive fieldwork among coaches, HR prescribers and coached managers – highlights the still very prevalent organizational logic that limits and frames executives’ attempts to actually become “entrepreneurs of themselves”. Moreover, the figure of the “leader”, an organizational figure in and of itself, largely overlooked by Bröckling’s analysis, is the main reason why coaching is being used in companies. HR managers want the executives to become “leaders” and to develop their “emotional intelligence” (Goleman, 1995) with regard to changes in the firms’ governance. This figure of leadership, inspired by anti-hierarchy criticism expressed around May 1968, reveals the shift in the conception of authority that has strong implications on work organization today. But learning this new way of leading people at work, which is the aim of coaching, has subjective costs for managers, especially when ambivalent logics co-exist within the firm, with executive management and HR encouraging their managers to become leaders, yet wanting to keep control over them.
Le coaching en entreprise relève d’une perspective d’optimisation de soi, en liant performance et bien-être au travail. L’article propose de réinscrire ce dispositif dans une histoire longue des relations entre psychologie et management, saisie à partir de l’entre-deux-guerres et dans le contexte français. Le retour sur cette généalogie permet de dégager la spécificité des idéologies du coaching – d’une part, la « réalisation de soi » et la figure de « l’entrepreneur de soi » ; d’autre part, le « savoir-être » et la figure du « manager-coach » ou du leader – et de les resituer au sein des transformations du capitalisme. L’idéologie de la réalisation de soi et la figure de l’entrepreneur de soi (Bröckling, 2018) ont fait florès dans un contexte de chômage de masse et de transformation des carrières des cadres, avec l’appel fait aux managers de développer leur employabilité. Cependant, au contraire de l’analyse de Bröckling, qui décrit une société faite de « sujets-places de marché », cet article, qui repose sur une vaste enquête de terrain auprès de coachs, de gestionnaires des ressources humaines prescrivant la prestation et de managers coachés, souligne la logique organisationnelle toujours très prégnante qui limite et encadre fortement les tentatives des cadres de devenir de véritables entrepreneurs d’eux-mêmes. D’autre part, la figure du leader, figure organisationnelle par excellence, ignorée par Bröckling dans son analyse, est la raison principale du recours au coaching en entreprise : les gestionnaires des ressources humaines, dans le cadre des transformations de la gouvernance des firmes, entendent former les cadres à devenir des leaders et à développer leur « intelligence émotionnelle » (Goleman, 1995). Cette figure du leadership, inspirée par une critique anti-hiérarchique portée par Mai 1968, révèle le changement dans la conception de l’autorité qui s’exprime encore aujourd’hui autour des nouveaux modes d’organisation du travail. Mais l’apprentissage de cette nouvelle manière d’encadrer les individus au travail, qui est l’objectif du coaching, a des coûts subjectifs importants pour les cadres, en particulier quand des logiques hybrides co-existent au sein des entreprises et quand la direction et les gestionnaires RH incitent les cadres à devenir des leaders, tout en cherchant à garder le contrôle sur eux.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02875570 , version 1 (26-06-2020)

Identifiants

Citer

Scarlett Salman. Aux sources du coaching et de ses morales (1930-2018). Ethnologie française, 2019, N°176 (4), pp.653-670. ⟨10.3917/ethn.194.0653⟩. ⟨hal-02875570⟩
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