Ordalies et duels judiciaires au haut Moyen Âge (Ve-XIIe siècle) : en quoi croyait-on ?
Résumé
Il y a des notions historiographiques qui bénéficient d'un privilège d'exotisme. Ainsi dans les publications du siècle écoulé, ordalies et jugements de Dieu ont obtenu un succès d'autant plus remarquable que durant l'époque qui vit se développer ces pratiques, les sources se montraient relativement discrètes à leur sujet : brèves mentions évasives dans les lois et les formulaires, silence complet dans la législation ecclésiastique, rares occurrences dans la correspondance privée et un seul commentaire spécifique dans un traité peu diffusé d'Agobard de Lyon (769-840). Avant le XIIe siècle, le phénomène ne semble donc pas avoir frappé les consciences, et se voyait mentionné essentiellement lorsqu'il était associé au procès d'un grand ou qu'il permettait d'allonger la liste des actions miraculeuses attribuées à tel ou tel saint. L'insignifiance de la notion était telle que les historiens ont dû, sinon créer leur objet, du moins en délimiter le contenu : rappelons en effet que, là où le terme médiéval d'ordalia pouvait désigner toute forme de jugement même très ordinaire (comme son parent allemand Urteil), l'historiographie moderne n'a retenu sous ce nom que les pratiques judiciaires qui, dans le discours médiéval, étaient teintées de surnaturel, et tel sera également l'usage retenu dans le présent article. Les concepts étant restés relativement flottants, précisons encore qu'on réservera ici le terme d'ordalie à des épreuves individuelles, distinguant ainsi ces dernières du duel judiciaire dans lequel deux individus s'affrontaient pour déterminer la justesse de leur cause respective ; en revanche,
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)