Fuir ‹l’enfer communiste›, quitter le ‹paradis suisse›. Les dynamiques individuelles et familiales de l’émigration et du retour des réfugiés hongrois de 1956
Résumé
In Autumn 1956, some 200,000 refugees
reached the “Free world” in a few weeks
having fled Hungary and the failed Uprising
against the Soviet occupation. This event has
received little attention by social historians.
Moreover, the return of some Hungarian
refugees to János Kádár’s Hungary after 1956,
a phenomenon halfway between political and
social history, remains understudied. What
were the motivations of these people? This
article analyzes the phenomenon of repatriations
from Switzerland, a country which enthusiastically
welcomed Hungarians. It shows
that the competition between the two political
systems shaped the interpretations of
these returns. Communist observers claimed
that those who returned were disappointed
by the capitalist world, the latter being far
from the positive image depicted by Radio
Free Europe. In Western Europe, the “redefectors”
were often described as weak. According
to this vision, they either missed the
great opportunity of establishing themselves
in the free world or were easily convinced
by the Hungarian authorities’ campaign to
bring back the dissidents. Beyond the highly
politicized nature of this migratory flow, this
micro-historical analysis reveals the individual
and family, social and cultural dynamics behind
these repatriations.
Automne 1956. Fuyant la Hongrie et l’Insurrection ratée contre l’occupant soviétique, quelque 200 000 personnes rejoignent l’Ouest en quelques semaines. Ces réfugiés ont rarement fait l’objet d’études en histoire sociale. Un phénomène à mi-chemin entre histoire politique et sociale a été particulièrement occulté dans l’historiographie : le retour d’une partie d’entre eux vers la Hongrie post-1956 de János Kádár. Quelles étaient les motivations de ces personnes ? Cet article analyse le phénomène des rapatriements depuis la Suisse, un pays ayant accueilli les Hongrois·es de manière particulièrement enthousiaste. Les interprétations de l’époque sont teintées de la compétition à laquelle se livraient les deux systèmes. En Hongrie, on clame que ces rapatrié·e·s ont été déçus d’un monde capitaliste, pas aussi rose que ne le décrivait Radio Free Europe. En Occident, on décrit les rapatrié·e·s comme des faibles, soit parce qu’ils ne sont pas à la hauteur de la chance que leur a offert le « monde libre » en leur donnant l’asile, soit parce que bernés par la campagne des autorités hongroises pour faire revenir les dissident·e·s. Au-delà du caractère très politisé de ce flux migratoire, notre analyse micro-historique révèle les dynamiques individuelles et familiales, sociales et culturelles à l’origine de ces rapatriements.