Le marché fait-il la ville?  Ecole thématique d’Aussois 2010

http://controverses.hypotheses.org/

 

 

 

Comprendre les transformations des villes « post-fordistes » : l’apport de la thèse du capitalisme cognitif (Septembre 2010)

 

BESSON Raphaël

Economiste Urbaniste, Agence INterland (Lyon)

Doctorant, Université Joseph Fourier, UMR PACTE (Grenoble)

 

Chaque phase du capitalisme[1], par son mode d’accumulation, de production et de travail, a donné naissance à différents modèles de villes.

 

Dans le système capitaliste mercantiliste, la ville est essentiellement pensée comme le lieu du marché et de l’échange (Pecqueur, 2004). La croissance économique des villes s’explique alors par l’attractivité de leurs marchés, qui permet non seulement de minimiser les coûts de transport des biens échangés, mais aussi de réduire l’incertitude des transactions (Cantillon, 1975 ; Thünen, 1826). Quelques traits fortement stylisés caractérisent les villes du capitalisme mercantiliste : une forme aux contours nets, une forte densité, un centre urbain attractif permettant d’échanger les denrées agricoles, produits artisanaux ou services, ainsi qu’une distinction nette entre la ville et la campagne (Chalas, 2000).

 

Avec l’avènement de la production et de la consommation de masse incarnée par le Fordisme, les villes doivent pour rester compétitives, fournir aux entreprises un certain nombre d’avantages, «d’externalités positives » comme des infrastructures de transport, des terrains, une main d’œuvre abordable et hautement productive, et le cas échéant, des disponibilités en ressources naturelles. Selon Françoise Choay, les villes connaissent alors quatre transformations majeures : la rationalisation des voies de communication, la spécialisation des secteurs urbains, la création de « nouveaux organes urbains » (grands magasins, grands hôtels, grands cafés) et la «suburbanisation », en lien avec la poussée démographique des villes (Choay, 1965). D’une forme urbaine organisée autour d’un puissant centre multifonctionnel, émerge un modèle urbain éclaté et caractérisé par une rigide spécialisation de l’espace.

 

Les mutations récentes du capitalisme, où la « connaissance » tend à remplacer les ressources naturelles et le travail physique comme outils de croissance économique[2], transforment en profondeur la ville industrielle. Dans ce contexte, de nombreux travaux en sciences urbaines et économiques analysent l’adaptation des villes aux transformations du capitalisme[3]. Pourtant, il semble que la définition de la ville post-fordiste reste à préciser[4], dans le cadre d’un nouveau modèle territorial de l’innovation (MTI)[5], à même de proposer un cadre théorique renouvelé des mutations urbaines.

 

L’idée que nous souhaitons ici développer, est que la thèse du capitalisme cognitif[6] constitue un cadre théorique pertinent pour analyser les mutations du capitalisme urbain. Le capitalisme cognitif défini comme « une société de la connaissance régie par une organisation de type capitaliste » (Colletis, 2008), fournit un cadre d’analyse critique des MTI (I), ainsi qu’un cadre interprétatif pertinent des transformations urbaines contemporaines (II).

 

Pour illustrer nos propos, nous ne nous appuyons pas sur des monographies précises de telle ou telle ville ou projet en particulier. Nous procédons davantage à un premier repérage général de « tendances lourdes », telles qu’elles nous sont apparues lors de la conduite d’études au sein de l’agence INterland[7], ainsi qu’à travers la lecture critique d’écrits théoriques et d’études de cas aujourd’hui disponibles[8].

 

 

I Le capitalisme cognitif : un cadre d’analyse critique des MTI

 

Si les différents MTI permettent une meilleure compréhension du rôle des villes dans la croissance et l’innovation, chose que l’économie avait longtemps négligée, ces théories souffrent néanmoins d’un certain nombre de limites dans l’analyse des transformations du capitalisme urbain. En nous appuyant sur la thèse du capitalisme cognitif, nous souhaitons montrer que les MTI souffrent d’un manque d’analyse systémique (1), ainsi que d’une conception trop restrictive de l’innovation urbaine (2).

 

 

1.   Un manque d’analyse systémique

 

En ne réduisant pas son propos à l’économie[9], la thèse du capitalisme cognitif présente l’intérêt de se situer à un « niveau d’analyse (…) systémique des transformations du capitalisme dans la dynamique longue des économies développées » (Vinceneux, 2008). La transformation de l’économie capitaliste et de la production de valeur est ici globale. Elle induit notamment un nouveau rapport :

 

-       Au temps : les frontières temps de travail / temps libre s’estompent progressivement.

-       A l’espace : les conceptions ouvertes des espaces de travail tendent à être privilégiées, à l’image des firmes américaines comme Google ou Microsoft. Les espaces de travail deviennent de véritables lieux de vie, avec toutes les aménités nécessaires à l’innovation et aux collaborations productives entre « travailleurs créatifs ».

-       A la production : les frontières entre ce qui est « productif » et ce qui est « improductif » tendent à se brouiller, la production devenant fondamentalement « socialisée et diffuse » (Multitudes, 2008). On assiste également à un inversement des séquences productives classiques entre conception, production et commercialisation.

-       Au travail : ce qui est requis du travailleur, ne réside pas tant sur sa force physique, mais bien davantage sur des dimensions cognitives (intelligence, créativité, imagination, affectivité, « force-invention » (Negri, 2008)), subjectives et extra-économiques, autrefois reléguées exclusivement au domaine personnel.

 

Les transformations du capitalisme, ont également pour effet d’accroître l’importance des externalités[10], qui cessent d’être marginales (Boutang, 2008). L’activité se fait de plus en plus en dehors de l’entreprise, transformant de fait les villes en espaces productifs. Le territoire métropolitain, avec ses rapports productifs, ses filières de recherche, ses universités, ses sites de production directe et indirecte, ses réseaux sociaux, devient le lieu central de la production des connaissances.

 

Enfin, et à la différence des théories de l’économie fondée sur la connaissance, l’approche du capitalisme cognitif n’efface pas les rapports de pouvoir, dont le capitalisme est porteur, mais fait « redescendre la connaissance dans la dynamique historique concrète des rapports conflictuels de savoir et de pouvoir qui forgent le développement de la division capitaliste du travail et les transformations du rapport salarial » (Vercellone, 2008).

 

En conséquence, la thèse du capitalisme cognitif nous incite à analyser la ville post-fordiste, comme un phénomène complexe, dans lequel interagissent des facteurs socio-économiques, urbains, culturels, historiques, environnementaux et politiques. Si les MTI prennent en partie la mesure d’une telle mutation[11], ces modèles peinent à considérer pleinement la « diversité allocative » de la nouvelle économie. Les MTI ont notamment tendance à minimiser les dimensions spatiales (a) et politiques (b) du fait urbain.

 

a.    Une insuffisante prise en compte des dimensions spatiales

 

Sur le volet spatial, les MTI évoquent les notions « d’atmosphère urbaine », « d’aménités urbaines » ou encore de « chaînes de valeur métropolitaine » (Gaschet, Lacour, 2007), mais occultent très largement les spécificités morphologiques, urbanistiques et architecturales des villes. Concrètement, les MTI ne parviennent pas à répondre aux questions suivantes. En quoi les configurations urbaines et architecturales des villes « post-fordistes », permettent-elles de favoriser les processus d’apprentissage, de création et d’innovation ? Quels sont les nouveaux espaces urbains favorables à la créativité et à l’innovation ? En quoi se différencient-ils des espaces favorables à l’innovation du capitalisme mercantiliste[12] et du capitalisme industriel[13] ?

 

Une telle carence s’explique par le fait que les MTI ont tendance à inscrire leurs analyses dans des sphères territoriales trop larges (la région, la métropole, l’agglomération), mais aussi à homogénéiser les échelles géographiques. Richard Florida, dans l’application de son modèle de ville créative, ne fait pas la distinction entre la banlieue, le centre-ville ou la périphérie plus lointaine. En réalité, ce modèle échoue à produire une analyse qualitative à l’échelle du quartier et de la vie quotidienne. Or nous faisons l’hypothèse que pour comprendre les processus spécifiquement urbains de production de connaissance et d’innovation, il est essentiel de mener une investigation fine à l’échelle de quartiers urbains clairement identifiés.

 

Fondamentalement, c’est la notion même de ville qui semble être évoquée de manière trop allusive dans les différents modèles. Ceux-ci restent fortement tributaires d’une conception « fordiste » selon laquelle la production de connaissances est l’apanage d’une élite de travailleurs cognitifs (chercheurs et autres créatifs) et d’industries technologiques et créatives. Dans cette logique « néo-industrielle », la ville reste secondaire. Le modèle des clusters par exemple, repose encore largement sur la centralité des universités et de l’entreprise. Il n’évoque que très superficiellement les dynamiques urbaines et les autres forces d’innovation qui existent dans la ville (centres culturels, créateurs, habitants-utilisateurs des innovations etc.). Quant au concept de milieu innovateur, celui-ci ne propose pas un cadre théorique suffisant pour analyser la complexité du « milieu urbain » (activités diversifiées, hétérogénéité sociale etc.) (Camagni, 2000).

 

b.    Une insuffisante prise en compte des dimensions politiques

 

Les MTI ont par ailleurs tendance à minimiser les dimensions politiques des transformations urbaines. Tout se passe comme si la production des espaces urbains de la nouvelle économie, échappait aux rapports conflictuels de pouvoir et de domination. Or, depuis Henri Lefebvre, on sait que la production des espaces urbains ne peut être dissociée des représentations et des stratégies des classes supérieures (Lefebvre, 1974).

 

Le capitalisme cognitif induit un mouvement de polarisation des ressources, sur une catégorie particulièrement qualifiée de la population[14] et un espace strictement délimité de la métropole (les « pôles urbains d’excellence »). Dès lors, de nouveaux mécanismes de discrimination sociale et spatiale se dessinent sous le paravent esthétique de la « ville créative ».

En cherchant avant tout à séduire les classes socio-économiques privilégiées, le modèle de la « ville créative » génère de nouvelles formes d’exclusion sociale. Pour Guy Saez, « la ville créative (…) renvoie les groupes qui ne font pas partie de la creative class (soit 80 % de la population selon les comptes estimatifs de R.Florida) à vivre dans une autre ville » (Saez, 2009).

 

D’autres auteurs montrent que la ville créative tend à accroître les phénomènes de fragmentation des territoires et de gentrification des centres-villes (Cicolella, 1999 ; Vivant, 2009 ; Holmes, 2005 etc.). Selon ces auteurs, les espaces urbains de la nouvelle économie, très bien dotés en technologies et en capitaux, restent largement ghettoïsés et tendent à générer un développement excluant : s’il y a croissance économique sur ces nouveaux espaces, il n’y pas de retombées mécaniques pour le reste du territoire métropolitain.

 

Outre les risques de conflits générés par l’aggravation de la ségrégation socio-spatiale, les collectivités doivent également gérer un scepticisme croissant des sociétés locales, vis-à-vis des effets (réels ou supposés) des innovations technologiques[15]. La population locale de plus en plus informée, semble manifester « une aversion montante à l’endroit des risques, principalement ceux qui menacent la santé » (Filion, 2006). Les manifestations violentes lors de l’inauguration du site MINATEC dédié aux nanotechnologies à Grenoble, en sont un exemple. Or là aussi, les MTI laissent dans l’ombre des questions pourtant essentielles, comme celles de l’acceptabilité sociale et culturelle des mutations en cours.

2.   Une conception restrictive de la connaissance et de l’innovation urbaine

 

L’un des intérêts majeurs de la thèse du capitalisme cognitif est de ne pas réduire la connaissance à un stock quantifiable, mais d’insister sur le fait que la connaissance est aussi « mouvement et créativité. Elle se manifeste directement dans la production de ce qui n’est pas routinier et programmé » (Paulré, 2008).

 

C’est la distinction essentielle qu’opère un auteur comme Bernard Paulré entre la « connaissance morte » (issue de l’accumulation) et la « connaissance vivante » ; ou bien André Gorz (Gorz, 2004), entre la « connaissance » (« par essence informatisable ») et « les savoirs » (« par essence vivants et vécus »). Yann Moulier Boutang distingue quant à lui les « Immatériels 1 » (biens de connaissance codifiés), des « Immatériels 2 » (biens de connaissance non codifiables, où la connaissance repose sur la capacité à produire des connaissances nouvelles).

 

La critique de l’approche quantitative de la connaissance est ici fondamentale, dans la mesure où le capitalisme cognitif se manifeste avant tout par un « régime d’innovation permanente (…) qui est la trace émergée d’une société dans laquelle la connaissance s’accumule et où la créativité joue un rôle moteur » (Paulré, 2008). Pour comprendre une telle transformation, Yann Moulier Boutang utilise la métaphore de la « société pollen » (Boutang, 2010), dans laquelle il ne s’agit pas tant de s’intéresser à l’output de ce que produisent les abeilles (le miel), qu’à l’activité pollinisatrice des abeilles. En prenant l’exemple du modèle économique de Goggle, qui parvient à tirer un profit marchand de la pollinisation humaine[16], Boutang démontre que la valeur du miel que les abeilles produisent, est de « trois cent cinquante à mille fois inférieure à celle de la pollinisation qu’elles effectuent » (Boutang, 2010).

 

La thèse du capitalisme cognitif nous incite à dépasser une lecture de l’innovation urbaine comme produit ou résultat, et à davantage s’intéresser aux processus urbains de production de connaissance. Or, de ce point de vue, les MTI souffrent d’une conception trop « économiciste » (a) et séquentielle (b) de l’innovation urbaine. D’autant que les MTI ont tendance à focaliser leurs analyses sur les conditions urbaines propices à la « diffusion de connaissances », plutôt que sur les processus urbains, qui rendent possible la « production de connaissances » nouvelles (c).

 


a.    Une lecture « économiciste » de l’innovation urbaine

 

Les MTI ont des difficultés à dépasser une lecture « économiciste » de l’innovation urbaine. L’innovation est essentiellement pensée en termes de «  progrès technologique », censé assurer aux métropoles un avantage comparatif et/ou différenciatif. Or les formes d’expression de l’innovation au sein de l’espace urbain sont multiples, et intéressent aussi bien les sphères technologiques et économiques, que sociales, organisationnelles, écologiques, culturelles ou artistiques.

 

L’innovation en milieu urbain ne repose plus seulement sur la nature des interactions entre les institutions « formelles » des sphères technologiques et économiques (laboratoires de R&D, firmes et PME innovantes). Elle repose bien davantage sur la capacité des villes à favoriser les interactions entre les institutions « formelles » et « informelles » des sphères culturelles, artistiques et sociétales (Cohendet, 2008). Pour Patrick Cohendet, la réussite de ces interactions repose sur l’existence d’un groupe intermédiaire, le « Middleground », à même d’assurer des « liens entre la culture informelle de l’underground avec les institutions et organisations formelles de l’upperground » (Ibid).

 

b.    Une lecture séquentielle de l’innovation urbaine

 

Les MTI restent essentiellement fondés sur des démarches de conception séquentielles, induisant un cloisonnement entre les acteurs, notamment entre ceux qui se situent en amont des processus d’innovation (laboratoires de R&D, inventeurs, universitaires etc.), et ceux qui sont en aval (firmes, PME innovantes, usagers, habitants-utilisateurs etc.).

 

Or, le capitalisme cognitif génère une économie de plus en plus pilotée par l’aval, et induit un besoin d’interaction continue entre les utilisateurs des innovations et les concepteurs. Il s’agit de favoriser l’innovation par l’usage, ainsi que l’appropriation et le détournement des innovations par les utilisateurs.

 

D’où le développement actuel d’environnements urbains favorables à l’innovation ouverte (Kaplan, 2009), à partir desquels les différents acteurs de la ville (universités, écoles de formation, entreprises, pôles de compétitivité, clusters, agences publiques, laboratoires de recherche, militants, créatifs, centres culturels et habitants en général), collaborent aux tests et à l’invention de nouveaux produits et services. Les Living Labs (« laboratoires vivants »), constituent l’une des premières applications urbaines des systèmes d’innovation ouverts[17].


c.    Une lecture de l’innovation urbaine par le prisme de la « diffusion des connaissances »

Les MTI définissent davantage les conditions urbaines propices à la « diffusion de connaissances », que les processus urbains qui rendent possible la « production de connaissances » nouvelles (Forest, 2010).

 

Le modèle de la ville créative, décrit les conditions d’un environnement urbain susceptible d’attirer la « classe créative » (tolérance, diversité, qualité de vie, qualité des lieux). Or, le mécanisme par lequel la tolérance, la diversité ou les aménités urbaines participent au processus de production de connaissances reste obscur. La seule présence de la « classe créative, ne constitue pas un facteur suffisant pour enclencher une dynamique d’innovation urbaine.

 

Les modèles des technopoles, clusters ou des pôles de compétitivité, insistent quant à eux sur les vertus des proximités géographiques et organisationnelles (Torre et Rallet, 2008). De telles proximités sont sensées assurer une fertilisation croisée entre laboratoires de recherche, universités et entreprises innovantes. Pourtant, il ne suffit pas de mettre à proximité des travailleurs cognitifs et issus d’une culture organisationnelle commune, pour que ces derniers collaborent. La question des relations de confiance « interpersonnelles » devient fondamentale, pour comprendre les mécanismes de l’innovation urbaine.

Les risques de la normalisation

En focalisant leurs réflexions sur les conditions urbaines propices à la connaissance innovante, les MTI proposent le plus souvent des « recettes », des « kits méthodologiques », dont l’application serait sensée garantir des démarches urbaines innovantes. Le paradoxe c’est que loin de générer une dynamique d’innovation, l’application de ces modèles, risque au contraire de générer une forme de normalisation de la ville créative (Arab, 2007). Ces modèles tendent à plaquer sur des territoires hétérogènes, des notions et des théories adaptées à des contextes socio-économiques et des situations cognitives particulières, sans toujours prendre en compte les contraintes, telle que la moindre densité du potentiel cognitif. Bien davantage que la question de la diffusion des « bonnes pratiques », il semble fondamental de s’intéresser aux processus collectifs, qui permettent d’explorer de nouvelles alternatives et de rompre avec les connaissances standardisées.

 

L’enjeu des « proximités relationnelles »

 

Si l’on veut analyser le processus par lequel les acteurs coopèrent et produisent de la «connaissance vivante », il semble nécessaire de dépasser les formes traditionnelles de proximité, pour s’intéresser aux formes de « proximité relationnelle » (Suire, 2006).

 

Progressivement, les villes post- fordistes créent des environnements urbains, propices à l’édification de « liens sociaux forts » entre travailleurs cognitifs. Les villes cherchent ainsi à recréer les conditions d’une urbanité « intense », propre à stimuler les rencontres informelles et « ludiques » entre créatifs. Il s’agit notamment d’inciter ces derniers à transformer leur « capital culturel », en un « capital social », vecteur d’innovations productives.

Les villes post-fordistes cherchent également à tisser des « liens sociaux faibles », en expérimentant des formes de « proximités virtuelles » (Bourdeau-Lepage et Huriot, 2009). Le dispositif du « 5ème écran »[18] permet notamment de connecter les « créatifs » à un espace public virtuel, un environnement permanent de relations et d’informations. Ces proximités relationnelles « virtuelles » sont fondamentales, dans la mesure où elles permettent de stimuler les externalités relationnelles, favorables aux « comportements de rupture » (Suire, 2006).

 

 

II Le capitalisme cognitif : un cadre d’interprétation pertinent des mutations urbaines

 

Cadre d’analyse critique des MTI, la thèse du capitalisme cognitif constitue également un cadre d’interprétation pertinent des mutations des structures productives, spatiales, organisationnelles, sociales, cognitives et écologiques des villes contemporaines. Nous limitons ici notre propos aux structures productives.

 

En nous appuyant sur la thèse du capitalisme cognitif, nous souhaitons montrer que les villes mettent progressivement en place les mécanismes nécessaires à la production d’innovation et de connaissances nouvelles.

 

 

1.   Un nouveau type d’accumulation : l’investissement dans des secteurs à fort contenu d’innovation et de connaissance

 

Le contexte du capitalisme cognitif, incite les villes à réorienter leurs investissements, pour répondre aux besoins des entreprises de la nouvelle économie. Les villes investissent de plus en plus dans des secteurs à fort contenu d’innovation et de connaissance, comme les nouvelles technologies ou les industries créatives[19]. La créativité est en passe de devenir « le nouveau dogme du développement des territoires » (Liefooghe, 2009).

L’investissement actuel des villes dans leurs universités, constitue un exemple de la réorientation des stratégies métropolitaines d’accumulation[20]. D’une situation persistante d’isolement de l’université par rapport au reste du territoire urbain[21], nous entrons dans une nouvelle ère dans laquelle les universités sont promues au rang de nouvel atout de développement socio-économique des villes. La plupart des métropoles contemporaines engagent ainsi des actions visant à développer les relations universités-entreprises, considérées comme une relation clé d’un développement fondé sur une économie de la connaissance.

 

2.   Un nouveau mode de production : la valorisation des réseaux productifs à fort potentiel cognitif

 

A la ville de l’ère industrielle qui offre des avantages « génériques » aux entreprises (dont l’exemple idéal typique est peut être Turin avec l’usine FIAT), se substitue progressivement l’idée d’une « ville active », à même de jouer un rôle dans la différenciation des productions (Pecqueur, 2008).

 

Désormais, pour se positionner comme métropole attractive, il faut bien sûr d’abord développer une économie de services auprès des entreprises (Sassen, 1991), mais aussi et surtout organiser et valoriser les réseaux productifs à fort potentiel cognitif (Collin, 2006). Comme nous l’explique Pierre Veltz : « La nouvelle production est relationnelle, elle dépend avant tout de la qualité des coopérations tissées autour des opérations et des projets » (Veltz, 1996).

 

Les villes post-fordistes cherchent à démultiplier les opportunités d’interactions socio-économiques des différents pôles de compétences urbains, allant de la recherche fondamentale à ses implications marchandes. Les types d’organisations spatiales doivent être suffisamment denses et souples, pour modifier rapidement les procès de fabrication et les produits finaux, et ainsi jouer un rôle dans la différenciation et la diffusion des productions sur des marchés plus vastes.

 

a.    La concentration des activités de haute technologie au cœur des grandes métropoles

 

Les métropoles apparaissent comme des lieux privilégiés d’inscription des réseaux d’individus et d’organisations (entreprises, laboratoires, universités…), avec un phénomène émergent de concentration d’entreprises de haute technologie au cœur même des grandes métropoles (Grondeau A, 2007).

 

L’analyse de l’orientation géographique des pôles de compétitivité en France, illustre ce processus de concentration des activités de haute technologie au cœur des métropoles. Plus des deux tiers des pôles de compétitivité sont aujourd’hui localisés dans de grandes métropoles de plus de 500 000 mille habitants.

 

L’émergence progressive de « cyberdistricts » au cœur des villes, constitue un autre exemple du marquage métropolitain des activités de haute technologie. Les entreprises du numérique souhaitent ainsi bénéficier d’aménités urbaines (contexte technologique ou immobilier, présence de clients potentiels, infrastructures diverses…), de la « force invention » métropolitaine et des besoins technologiques des directions des grandes entreprises de la finance et des médias (Grondeau A., 2007).

 

b.    L’organisation des multiples réseaux productifs à fort potentiel cognitif

 

Les villes qui « sont de manière ultime rien d’autre que de la proximité » (Gleaser et Kohlhase, 2004, p. 225), jouent désormais un rôle actif dans l’organisation des proximités urbaines (Rallet A., Torre A., 2008). Elles participent notamment à la structuration de clusters locaux intramétropolitains, qui constituent des ressources cognitives essentielles, à partir desquelles les villes composent leur attractivité et leur développement futur.

 

Aux formes traditionnelles de proximité organisationnelle et géographique (Torre et Rallet, 2008), les villes expérimentent des formes de proximité relationnelles, qui selon Raphaëlle Suire (Suire, 2006), seront amenées à jouer un rôle majeur dans les processus d’innovation et à la diffusion des connaissances : « Il ne faut désormais plus tant s’intéresser aux interactions inter-organisationnelles qu’aux interactions inter-personnelles entre les individus qualifiés et créatifs. Ce sont eux les porteurs d’idées qui par combinaisons originales ou par échange en face à face forment les futures innovations » (Suire, 2008). Comme nous l’avons vu précédemment, les villes expérimentent également des formes de « proximité virtuelle » (Bourdeau-Lepage et Huriot, 2009).

 

1.3. Un nouveau mode d’exploitation du travail vivant : le développement d’un environnement urbain favorable à l’innovation ouverte

 

Dans le capitalisme cognitif, ce qui est requis du travailleur, ne réside pas tant sur sa force physique, mais bien davantage sur son intelligence, sa créativité, son imagination, sa « force-invention ». Ce capital humain, qui se constitue essentiellement en dehors du temps de travail, se présente désormais comme la « principale force productive » (Gorz, 2003). Dans la mesure où la densité des interactions humaines contient en elle même un potentiel de développement, les villes post-fordistes tentent de créer un environnement urbain favorable à l’innovation ouverte.

 

a.    Organiser, produire et capter les relations productives. Une analyse de la ville post-fordiste comme machine à produire du capital humain créatif

 

« Faire société » (Donzelot, 2003), ou plus précisément « faire métropole » dans le cadre du capitalisme cognitif, consiste non seulement à organiser, agencer les territoires de productivité sociale, mais aussi à les produire. La stratégie consiste à articuler la mobilisation des acteurs économiques urbains avec d’autres forces d’innovations présentes dans la ville (universités, écoles d’ingénieurs, centres culturels, créateurs, artistes, marginaux, citadins….).

 

Dès lors, la ville innovante en tant qu’elle organise, capte et produit les relations productives, peut légitimement s’analyser comme une « machine à produire du capital humain créatif »[22]. Le processus contemporain de « fabrication des gens de la ville » (Raymond, 1988), consiste en effet à augmenter le nombre et la diversité des interactions entre individus (relations de travail de « face à face »), afin d’accroître leur potentiel de création et d’innovation. Il s’agit ici de préfigurer les travailleurs intelligents, inventifs et innovants de demain.

 

Cette vision de la ville comme « machine à produire du capital humain créatif », semble aujourd’hui confirmée par la multiplication travaux de recherche portant sur la modélisation 3 D des villes et la simulation des phénomènes de génération urbains. Sont ainsi simulés les mouvements d’individus au sein des espaces urbains, en fonction de morphologies urbaines prédéterminées. D’autres technologiques du numérique permettent d’observer et de cartographier en temps réel la manière dont les réseaux se connectent au sein des espaces urbains[23]. En percevant ce phénomène de « corralisation », les villes peuvent ainsi réfléchir à la manière d’organiser et de réorienter les connexions et les interrelations entre citadins, afin d’en extraire des sources potentielles de développement.

 

b.    La mobilisation des activités créatives et culturelles dans la conception et la production des technologies innovantes

 

Les villes post-fordistes essaient de favoriser les canaux d’échanges entre innovations technologiques et innovations artistiques, culturelles ou organisationelles. Le transfert d’attributs entre les différents types d’innovation est notamment assuré par le « Middleground » (Cohendet, 2008). Ce groupe assure le rôle de transformateurs de concepts, entre les producteurs de concepts (artistes, chercheurs en recherche pure) et les utilisateurs de concepts (entreprises innovantes). Ce mécanisme spécifique, permet d’assurer la viabilité économique des « matériaux créatifs ».

 

c.    La mobilisation des usagers et des citadins dans la conception de nouveaux services et produits innovants

 

Les villes créent progressivement les conditions d’une innovation ouverte et incrustée au sein de l’espace urbain, où les citadins participent à la création de nouveaux services, produits et infrastructures sociétales. L’économie est de plus en plus pilotée par l’aval, dans laquelle les concepteurs doivent s’adapter à des besoins toujours plus individualisés. Les modèles de consommation changent (Moati, 2001), car non seulement la consommation de masse tend à disparaître, mais la consommation se personnalise et dépasse le seul accès fonctionnel aux biens. Les consommateurs s’intéressent davantage à des univers ou des expériences, qu’au simple achat de produits (Boutang, 2008). Ces nouveaux modes de consommation impliquent une interaction continue entre les bénéficiaires et les concepteurs : les individus s’attendent à devenir co-auteurs des réponses faites à leurs besoins. Dans ce contexte, on assiste à un renversement des séquences productives : la demande tend de plus en plus à impulser la production puis la distribution.

 

Le développement de « Living Labs » au cœur des villes, constitue l’une des premières applications urbaines des systèmes d’innovation ouverts. D’autres exemples peuvent être évoqués comme celui la ville de Curitiba au Brésil. Véritable modèle de ville écologique, Curitiba conçoit les services urbains avec les usagers et les impliquent dans leur production au quotidien.

 

 

Conclusion

 

Notre contribution a cherché à montrer en quoi l’hypothèse du capitalisme cognitif, constituait un cadre pertinent pour analyser les transformations contemporaines du capitalisme urbain. Mais peut être plus que l’analyse critique des anciens MTI et l’étude des mutations en cours, il semble aujourd’hui nécessaire de s’appuyer sur la thèse du capitalisme cognitif, pour esquisser les caractéristiques essentielles d’un nouveau MTI, spécifiquement urbain. C’est là tout l’objet de notre thèse, qui vise à définir le pendant territorial de la thèse du capitalisme cognitif, à travers la formalisation du concept des « Systèmes Urbains Cognitifs » (SUC). Reste à définir les principaux marqueurs des SUC, pour mieux comprendre les processus d’émergence, de développement et de déclin de milieux urbains propices à l’innovation. A cet effet, nous nous appuierons sur une étude comparative de grands projets urbains, au travers desquels les villes affichent leur volonté de développer les secteurs d’activités à fort contenu d’innovation et de connaissance[24].


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[1] Par capitalisme, nous faisons référence au système socio-économique fondamental d’organisation des sociétés développées. De nombreux auteurs émettent l’hypothèse selon laquelle, nous vivons une nouvelle étape dans l’évolution historique du capitalisme. Le capitalisme cognitif serait en passe de remplacer le capitalisme industriel ou fordiste, qui a lui-même aurait remplacé le capitalisme mercantiliste (Rulliani, 2000 ; Boutang, 2008 ; Colletis, 2008).

[2] La structure productive de cette nouvelle économie préoccupe la communauté scientifique élargie, qui multiplie à son égard les propositions interprétatives : « économie cognitive » (Walliser, 2000) ; « hyper-capitalisme » (Rifkin, 2000) ; « capitalisme cognitif » ; « e-economy » (Castells, 1996) ; « économie du savoir » (OCDE, Foray, Lundvall, 1996) ; « économie créative » (Howkins, 2001 ; Scott, 2000) ; « capitalisme total » (Peyrelevade, 2005).

[3] Les théories produites s’inscrivent dans des champs disciplinaires différents, à la croisée de la géographie urbaine, la sociologie urbaine, l’économie urbaine, l’économie géographique ou l’économie de l’innovation. Nous souhaitons notamment évoquer les notions de « ville globale » (Sassen, 1991), de « ville créative » (Landry, 2000 ; Florida, 2002), de « ville productive » (Pecqueur, 2006), de «  ville intelligente » (Bouinot, 2007), de « technopôle », de « système productif local » et de « cluster », qui ont donné naissance aux pôles de compétitivité (Porter, 1998), de « milieux innovateurs » (Crevoisier et Camagni, 2000), de « clusty » (Gashet, Lacour, 2007), ainsi que des auteurs comme Jane Jacobs (1961) ou Jean Rémy (1966), qui dès les années 60 proposèrent une analyse des liens entre ville et innovation.

[4] La notion de « ville post-fordiste » regroupe une multiplicité de définitions partielles, de considérations à la fois économiques, sociales et politiques si bien qu’il apparaît très difficile d’en donner une définition simple et univoque.

[5] Par « Modèles territoriaux de l’innovation » (MTI), nous faisons référence aux modèles ayant directement ou indirectement cherché à analyser la ville comme lieu propice à la créativité et à l’innovation. Notre conception des MTI est donc à la fois plus restrictive et plus large, que celle qu’en donne Franck Moulaert et Abid Mehmood, pour qui les MTI sont des « modèles d’innovation régionale au sein desquels les dynamiques institutionnelles locales jouent le rôle significatif de catalyseur dans les stratégies de développement innovantes » (Moulaert, Mehmood, 2008).

[6] La thèse du « capitalisme cognitif » a été forgée par l’économiste Enzo Rullani. Elle a ensuite été élaborée et systématisée comme le cadre interprétatif d’une nouvelle forme du capitalisme par les chercheurs de l’équipe ISYS du Matisse-CES de l’université Paris-I. Pour Yann Moulier Boutang le capitalisme cognitif correspond à une triple mutation : « Un nouveau système d’accumulation, qui porte désormais sur la connaissance et sur la créativité (…). Un nouveau mode de production qui repose sur le travail de coopération des cerveaux réunis en réseaux (…) et un nouveau mode d’exploitation spécifique du travail vivant » (Boutang, 2008).

[7] Etude prospective pour conforter l’attractivité du quartier d’affaires de La Défense-Nanterre, DREIF, 2008. Etude interrégionale « Innovation, enjeux transverses et compétitivité des territoires dans le Grand Sud Est », DIACT, SGAR Grand Sud Est, 2008. Schéma de développement et d’aménagement du campus Est de l’agglomération grenobloise, Grenoble Universités, 2009.

[8] Le cas notamment du projet « 22@ Barcelona », à Barcelone.

[9] De ce point de vue, la thèse du capitalisme cognitif se distingue des théories de l’économie fondée sur la connaissance. Ces théories ont en effet tendance à « aborder la question du savoir à partir de modèles théoriques généraux, valables en tout temps et en tout lieu et fondés sur la séparation entre le domaine de l’économique et celui des rapports sociaux » (Vercellone, 2008).

[10] Pour Y.M.Boutang, « la notion d’externalités correspond à la prise en compte par la théorie économique d’un phénomène exclu par l’économie néoclassique et pourtant à la base des systèmes complexes : celui d’interactions multiples hors marché. L’externalité, c’est la représentation de l’en-dehors de l’économique agissant sur l’économique de façon continue et pas simplement sous la forme d’une dotation de départ » (Boutang, 2008).

[11] Le modèle de « ville créative » lie étroitement le développement économique à la « qualité de vie », au « cadre de vie » et au développement culturel des villes (diversité et tolérance) ; celui de « clusty » lie les chaînes de valeurs urbaines aux chaînes de valeurs technologiques. La notion de « milieu innovateur » invite à ne plus se pencher sur l’entreprise elle-même, et à intégrer la complexité du cadre territorial, pour comprendre les mécanismes de l’innovation territoriale.

[12] Depuis l’Antiquité, les villes comme Babylone, Athènes, Alexandrie, Rome, Bagdad ou Cordoue ont créé des espaces propices à l’innovation, à destination des chercheurs, savants et ingénieurs du monde entier. Evoquons notamment la tour de Babel, la bibliothèque d’Alexandrie, le Capitole à Rome, mais aussi les modèles de villes utopiques de la Renaissance. Par exemple, la ville de Sabioneta construite en Italie par le duc de Mantoue au XVIème siècle, incarna cet idéal de ville ouverte à l’innovation et à la connaissance.

[13] L’aménagement des campus universitaires au début des années soixante, fournit un exemple intéressant du traitement des espaces propices à la créativité et l’innovation à l’époque fordiste. De nombreuses « mégastructures universitaires» sont alors aménagées, comme l’université de Bielefeld en Allemagne, l’université de Bochum, l’Université « Bou Ali Sina » à Hamadan (Iran, Candilis & Mandala) ou l’université de Bagdad réalisée par Walter Gropius en 1959.

[14] Nous faisons ici notamment référence à la montée de la « classe créative » (telle que décrite par R.Florida), qui se caractérise par un fort capital culturel et un rôle majeur dans le développement économique des villes post-fordistes. Productrice, mais aussi consommatrice de la ville contemporaine, cette classe métropolitaine transformerait progressivement certains quartiers de villes en véritables écosystèmes créatifs.

[15] Par nouvelles technologies, nous faisons référence aux nanotechnologies, biotechnologies, et aux technologies de l’information et de la communication (TIC).

[16] En plus des vingt mille employés qui travaillent au « Googleplex » (siège de la société en Californie), Google bénéficie de la contribution gratuite de quinze millions d’utilisateurs par seconde sur son moteur de recherche. Ces derniers produisent de l’information, du réseau, qui sont ensuite vendus aux différents acteurs économiques.

[17] Les Living Labs sont des entités publiques et privées où les entreprises, organismes publics, centres de recherche et habitants se rejoignent au sein du processus d’innovation (Kaplan, 2009).

 

[18] Le « 5ème écran » se compose de la panoplie des dispositifs publics technologiques (panneaux, bornes et autres), qui dialoguent avec les terminaux personnels dotés d’écran (mobiles, iPod et autres lecteurs…).

[19] S’il n’existe pas de définition claire et consensuelle des industries créatives, nous souhaitons reprendre ici la définition de l’IAURIF. Au sens large, les industries créatives regroupent toutes les activités liées aux industries culturelles classiques - activités cinématographiques et vidéo, la radio - télévision, l’industrie musicale, l’édition (livre, presse), l’imprimerie – ainsi que les activités de création relevant de la propriété intellectuelle : le design, la photographie, le multimédia et les jeux-vidéo, la publicité, l’architecture, la mode (dont le luxe), les arts du spectacle (danse, théâtre, etc.), le marché de l’art et les antiquités, l’artisanat et les métiers d’art. D’autres activités économiques sont également souvent mentionnées dans les industries créatives : c’est le cas du tourisme, des galeries d’art, du patrimoine, des musées, d’une partie des TIC notamment via les logiciels. (Camors C., Soulard O., 2006).

[20] Cette réconciliation spectaculaire des villes avec leurs universités, intervient dès le début des années 2000, avec le lancement par le gouvernement Jospin du plan « Universités 2000 ». Cette orientation est aujourd’hui confirmée avec le lancement en 2008, par le Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur, du « plan campus ».

[21] La construction des campus « à la française » dans les années 60, constitue une étape aussi bien spatiale que symbolique de développement séparé entre l’université et la ville.

[22] De nombreux auteurs, analysent la ville post-fordiste à travers la figure de la « ville-machine » (Hanef, 2008). Betsy Donald (Donald, 2006) évoque ainsi l’idée du passage de la ville comme « machine à croissance » (Molotch, 1976), à celle de la ville comme « machine à idées », rejoignant par là même les propos de nombreux auteurs sur le rôle de la ville comme « machine à innover » (Pecqueur, 2004 ; Rémy, 1966). Terry Nichols Clark parle quant à lui de « machine à divertissement » pour signifier le rôle croissant de la culture comme enjeu économique de la ville post-industrielle (Clark, 2004). Max Rousseau envisage la ville sous l’angle d’une « machine à mobilité », pour interroger le rôle de l’urbanisme dans la tournure que semble prendre la régulation de la mobilité corporelle (Rousseau, 2008).

[23] Disponible uniquement à San Francisco, CitySense repère les concentrations inhabituelles de gens en croisant des informations provenant des téléphones mobiles équipés de bornes WI-FI et même de taxis équipés de GPS. En traitant en temps réel toutes ces informations géolocalisées, CitySense identifie les « points chauds » de la ville, qui s’affichent en temps réel sur un fond cartographique.

[24] Le croisement de nos nombreux critères et de la faisabilité de l’analyse nous a permis de sélectionner sept projets urbains mis en œuvre dans quatre métropoles : Barcelone (22@Barcelona), Buenos Aires (Distrito tecnologico / Distrito diseno), Grenoble (Presqu’île scientifique / Campus universitaire) et San Francisco (Mission Bay / East Soma Area Bay).