Deux générations de Bustânî
Résumé
L'étude des œuvres écrites de deux membres de la famille des Bustânî, al-Mu'allim Butrus (1819-1883) et son proche parent Sulaymân (1856-1925), permet d'appréhender la césure de la Nahda d'une manière à la fois précise et large. Ces hommes font une observation : face à l'Europe, l'espace arabe subit un déclin relatif. Ils ont la certitude que la langue arabe est capable de relever le défi. Ils formulent, pour ce faire, la condition d'une nécessaire ouverture à l'étranger, soit à ce qui diffère d'un héritage répété, déformé et finalement dévoyé. En d'autres termes, ils promeuvent un mouvement qui consiste d'abord en une capacité à s'étonner, à se mêler, à se " marier ", comme l'écrit explicitement Sulaymân en présentant sa traduction de l'Iliade. C'est précisément sur ce point qu'intervient l'originalité de la démarche. Cet " autre " envisagé est, bien sûr, l'Européen qui vient de la rive nord de la Méditerranée, mais c'est aussi le Grec (ou dans une moindre mesure, le Romain) qui vient d'un temps antérieur à l'Arabe. Et, s'il est possible de s'unir à lui, de faire corps avec lui, n'est-ce pas la preuve que son altérité n'est pas absolue ? L'hypothèse de travail est la suivante : pour les Bustânî, la ligne de partage entre les hommes, celle qui distingue le " civilisé " de celui qui ne l'est pas, c'est un mode de vie avant d'être une appartenance confessionnelle ou - plus largement - culturelle.
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