la vérité peut-elle survivre à la démocratie?
Résumé
Julien Benda écrivait en 1942 : « Dans l'ordre spirituel, l a caractéristique de la démocratie est de tenir pour souveraines certaines valeurs absolues, c'est-à-dire conçues c o m m e indépendantes de toute condition de temps ou de lieu, e t supérieures à tout intérêt, individuel ou collectif ; valeurs dont l e s types principaux sont la justice, la vérité, la raison. » C'est une conception de la démocratie qui semble aujourd'hui bien dépassée. Il n'est même pas clair qu'elle soit compatible avec l a vie politique en général. Tout le monde, sauf peut-être quelques platoniciens attardés qui croient encore aux philosophes-rois, est convaincu qu'elle est incompatible avec l'exercice du pouvoir. Comme le remarque Hannah Arendt dans son essai célèbre « Vérité et politique » (1954), on n'a jamais compté la véracité au nombre des vertus politiques. Pourquoi en y irait-il différemment du pouvoir et de la politique démocratiques ? A fortiori si l'on tient que s o n royaume n'est pas de ce monde. En fait, l'idée même que la vérité puisse avoir une autorité quelconque, ou que ceux qui ont d e l'autorité puissent s'en prévaloir, est considérée comme hautement problématique du point de vue de la promotion d'une forme de vie démocratique. La démocratie libérale classique ne suppose-t-elle pas le pluralisme des valeurs et le droit pour chacun de défendre s a propre conception de la vie bonne, et par conséquent si la vérité est, comme le pense Benda, une valeur, pourquoi celle-ci aurait-elle un privilège par rapport à d'autres ? Pourquoi le vrai plutôt q u e le bien devrait-il régler l'idéal démocratique ?
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