Les signes et leurs supports pariétaux. - HAL-SHS - Sciences de l'Homme et de la Société Accéder directement au contenu
Thèse Année : 2006

Signs and parietal’s supports

Les signes et leurs supports pariétaux.

Eric Robert
  • Fonction : Auteur
  • PersonId : 174016
  • IdHAL : eric-robert

Résumé

Among the representations distributed in the decorated caves in Europe during Paleolithic superior, signs have a dominating place. When considering the cave as regards the realization of parietal devices, it becomes clear that the representations are not laid out randomly on the walls. Geometrical images have been the subject of a detailed attention in their realization and their distribution on the walls of the caves. Macroreliefs (pillars, niches…) and microreliefs (cracks, hollow…) have been diversely used by the artists in the realization of the signs. These modes of using walls, concerning the surface or the framing of the signs, are the object of our research, through an analysis of 692 signs, distributed in 26 caves within franco-cantabric space, and of thein technical and morphological features, of their location in the caves and the various themes they associate. The diversity observed in the natural supports and the way they have been used testifies to the adaptation of men to an underground space and to the choices carried out in the realization and location of the signs on the walls.
L’image de l’art paléolithique reste depuis longtemps associée à des représentations animalières à la qualité graphique exceptionnelle. La réalité des images présentes sur les parois des cavernes d’Europe de l’Ouest, comme dans d’autres arts rupestres dans le monde, est assez différente. Les signes, représentations géométriques répétitives, composent une part importante des images. Présents dans la plupart des grottes de l’espace franco-cantabrique, ils témoignent de la diversification de la pensée symbolique des hommes du Paléolithique supérieur et de leurs capacités d’abstraction. L’originalité de l’art paléolithique européen tient dans le support choisi par les artistes. Les réseaux karstiques ont en effet été investis régulièrement pendant plus de 20 000 ans, constituant l’originalité de l’art paléolithique par rapport aux autres arts rupestres dans le monde. Les caractéristiques de ce milieu n’ont néanmoins été mises en valeur que progressivement dans les études menées sur les représentations préhistoriques. Les recherches conduites jusqu’à la fin de la première moitié du 20ème siècle privilégiaient une lecture esthétique des représentations, qui se traduisait le plus souvent dans les relevés, comme ceux de l’abbé Breuil, par l’absence de la morphologie du support des œuvres. Ce n’est qu’avec les nouvelles approches proposées par Max Raphaël et développées par André Leroi-Gourhan que la place de la caverne est mise en évidence, au travers de la répartition des œuvres selon des zones définies comme « de fond » ou « d’entrée », de « pourtour » et de « centre », au sein de salles, de galeries mais aussi de panneaux. La prise en compte de la cavité intervient alors essentiellement pour mettre en évidence une répartition ordonnée des représentations, aussi bien des animaux que des signes. Le support naturel n’est réellement intégré qu’à travers le renouvellement des méthodes de relevés, et notamment celle proposée par le docteur Pales. Les irrégularités des surfaces sont alors notées, voire codifiées, et ce systématiquement, dans plusieurs études de cavités, Sainte Eulalie dans le Lot (étude conduite par Michel Lorblanchet), Villars en Dordogne (étude conduite par Brigitte et Gilles Delluc), ou l’Aldène dans l’Hérault (étude conduite par le docteur Pales et Denis Vialou). Marylise Lejeune la première propose une codification des accidents naturels utilisés, soulignant la démarche qui consiste non pas à transformer la paroi préalablement à la réalisation, mais à l’intégrer dans le tracé. Toutefois, les constats et les réflexions sur l’utilisation des reliefs ont porté essentiellement sur les représentations figuratives. L’observation de la situation des signes permet d’élargir cette approche pour mettre en lumière la relation étroite que les artistes ont entretenue avec leurs supports. Omniprésents dans les différentes chronocultures et au sein des principales régions de répartition de l’art paléolithique, les signes présentent un éventail morphologique diversifié, dont la délimitation du périmètre de chaque type ou famille constitue une des principales difficultés. Plusieurs analyses typologiques ont contribué à répartir les différentes images graphiques abstraites, en familles, en clés, en types… au sein desquelles nous avons pu identifier certaines récurrences, nous conduisant à une partition entre les formes les plus simples, points ou traits, de proportion et d’organisation variables (en lignes, en groupes…), et des formes plus élaborées, dont certaines, au tracé complexe, sont plutôt caractéristiques de territoires ou de périodes plus restreints. La diversité des formes et des situations a été prise en compte dans la réalisation de la méthodologie. A partir des typologies existantes, les signes ont été classés selon 14 types différents, leur technique, leur taille et leur orientation étant également enregistrées. La lecture de la position des signes sur les parois s’est faite par comparaison avec d’autres caractéristiques susceptibles d’indiquer les priorités graphiques des artistes : l’emplacement dans la grotte de chaque signe étudié, les associations avec d’autres thèmes abstraits figuratifs. 26 cavernes ornées ont été sélectionnées, réparties entre les principales régions ornées d’Europe de l’Ouest au Paléolithique supérieur : la Dordogne, le Quercy, les Pyrénées, les Cantabres…, au sein desquelles 692 signes ont été étudiés, qui ont tous fait l’objet d’observations directes face à la paroi. Parfois regroupés dans des espaces restreints, parfois répartis tout au long du décor pariétal, ou sur une partie seulement de celui-ci, les séries de signes observés dans ces grottes révèlent la grande diversité des choix humains dans la structuration de ce décor. Cette diversité de choix s’est également observée dans les rapports entre les signes et leurs supports. Près de 60 % des signes que nous avons observés font l’objet d’utilisations de reliefs naturels. A la différence des animaux, les éléments naturels ne sont qu’exceptionnellement intégrés au tracé du signe. Deux modes d’utilisation principaux se dégagent : la recherche de volumes mettant en valeur la surface du signe et de reliefs permettant le cadrage, partiel ou entier, des signes. Ce dernier mode est le plus fréquent, les bords des parois étant l’élément limite naturel le plus souvent employé. Reliefs convexes ou concaves, circulaires ou longilignes, sont alternativement utilisés dans la construction et la disposition des différents types de signes, la morphologie contrastée des surfaces des cavernes étant source de diversification. Si certains types parmi notre corpus font l’objet d’utilisations spécifiques apparemment plus fréquentes, cela est du le plus souvent à l’organisation particulière des dispositifs de certaines grottes. A plusieurs reprises, la disposition particulière de certains signes sur les parois se combine à leur disposition dans la grotte. Les petites ponctuations noires de Villars (Dordogne) sont ainsi régulièrement réalisées sur des reliefs convexes ou concaves, tout en étant réparties tout au long du parcours souterrain. Les alignements de points rouges de la grotte de Chufin (Cantabres) s’inscrivent quant à eux au sein de concavités, sur une même paroi située sur une plate-forme surplombant le fond de la cavité. Les claviformes de Niaux révèlent aussi une répartition topographique originale, qui se trouve accentuée lorsqu’on les compare aux signes angulaires de la grotte : la dichotomie entre les deux types est en effet aussi bien topographique, que technique (les claviformes sont rouges, les angulaires noirs), ou dans les associations thématiques (les claviformes étant séparés des animaux, alors que les angulaires leurs sont souvent superposés). Il apparaît ainsi à travers les exemples d’utilisations de reliefs, plus qu’une spécificité de types, une spécificité de sites. Ceci est assez remarquable dans l’observation de la disposition des tectiformes de Dordogne. La comparaison des différentes informations met en lumière, au sein de ce type de signes bien circonscrit, une grande diversité de formes et de dispositions, et, à travers la diversité de l’organisation des dispositifs pariétaux, la liberté de création individuelle dans un ensemble graphique défini à priori comme homogène. Un type de signe présente une situation particulière : les alignements de ponctuations larges, réalisées au soufflé. Ils sont en effet régulièrement élaborés en fonction d’éléments naturels de la paroi, ce particulièrement dans la région quercynoise, comme à Pech Merle, à Combe Nègre, ou au Travers de Janoye. Cette tendance affirmée dans les grottes de cette région pour ces ensembles abstraits tous attribués au Gravettien, se retrouve aussi dans d’autres cavités, en Dordogne ou dans les Cantabres. L’analyse des relations entre les différents types de signes et leurs supports pariétaux, combinée à leur répartition dans les grottes et à leurs associations, montre au final combien les signes occupent une place essentielle dans la constitution des dispositifs pariétaux. Aucune possibilité n’a été exclue ; la technique, la taille ou les liaisons thématiques des signes ne constituent pas des freins à l’utilisation de reliefs naturels, mais permettent au contraire de souligner la parfaite maîtrise de conception des créateurs de ces représentations abstraites, de l’Aurignacien de l’Aldène au Magdalénien de Pestillac, correspondant à la matérialisation de pensées abstraites originales. Au final, la relation étroite des signes et de leurs supports pariétaux est révélatrice de l’investissement apporté par les artistes du Paléolithique supérieur dans la réalisation de chaque tracé graphique, de la complexité de leur pensée symbolique, et de la nécessité de considérer l’ensemble du contexte de réalisation, aussi bien pariétal que graphique. Ce niveau de lecture permet de mieux appréhender les choix et comportements des auteurs de ces ensembles ornés souterrains restés exceptionnels parmi tous les arts rupestres, illustrant au-delà des manière de faire technique, les « manière de dire » originales des hommes de la Préhistoire.
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Citer

Eric Robert. Les signes et leurs supports pariétaux. : Analyse comparée des rapports entre les représentations abstraites et les reliefs naturels dans les grottes ornées du Paléolithique supérieur au sein de l’espace franco-cantabrique. Archéologie et Préhistoire. Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne, 2006. Français. ⟨NNT : ⟩. ⟨tel-01702797⟩
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