William Robinson (1838-1935) est l’un des jardiniers les plus marquants de l’époque victorienne. Son empire éditorial, en particulier, peut être considéré comme l’un des facteurs ayant conduit les Britanniques à s’auto-définir comme une nation de jardiniers. Son œuvre journalistique et ses entreprises médiatiques, bien davantage que ses créations paysagères, ont, en effet, contribué au catalogage et récolement d’une tradition nationale dans la dernière partie du xixe siècle en offrant un espace d’écriture et de mise en images — une voix au chapitre — à une communauté imaginée de jardiniers. Dans cet article, les périodiques dirigés par William Robinson seront lus comme le terreau grâce auquel un certain nombre de pratiques jardinières, de formes esthétiques et de représentations se sont développées pour constituer un ensemble de coutumes partagées. Ainsi, le jardinage, les jardins et les paysages ont pu apparaître comme un patrimoine précieux à préserver. Il s’agira d’abord d’expliquer comment ses magazines ont ouvert un espace nouveau à un lectorat plus large, des contributeurs plus variés, et même d’autres collaborateurs éditoriaux. Cette ouverture s’est accompagnée de nouvelles modalités de partage et de diffusion du savoir, en mots et en images, en majorité coconstruit dans les magazines et journaux de jardinage, contribuant davantage encore à la création d’un sentiment d’appartenance à une communauté chez les lecteurs, et à la constitution d’une « tradition hortésienne » partagée. Il sera finalement question de ce patrimoine hortésien collectif, qui, selon nous, se concrétise dans les pages de ces publications par l’amalgame des innombrables témoignages, expérimentations, et points de vue individuels, ce qui relève d’une démarche résolument moderne.