Le troisième comte de Shaftesbury porte à son comble la poétique classique de la philosophie, au service à la fois d'un idéal de libre parole et d'une pratique de la communication prudente, voire réservée. Cette poétique légitime l'intrusion de la fiction dans la philosophie, et de la philosophie dans la fiction ; elle rend possible une double conception de l'écriture, d'un côté l'écriture de la fiction, du dialogue, de la fable, voire du roman, de l'autre l'écriture de soi, ouvrant ainsi la double dimension moderne de l'écriture, entre fiction et thérapie. Œuvre classique, cependant, parce qu'elle procède à ces transformations en réactualisant les théories et les pratiques anciennes de l'imitation, du génie, de l'enthousiasme, et en particulier de l'écriture. Des fictions du genre qu'allaient illustrer Fielding et Diderot sont rendues possibles par un long détour, qui est un retour aux disciples de Socrate.