La crise du capitalisme industriel-fordiste et la transition vers une nouvelle configuration du capitalisme, qualifié de capitalisme cognitif, sont à l'origine d'une transformation profonde du travail et des relations d'emploi qui ébranle les piliers de l'ancien modèle de protection sociale . Dans le contexte de cette mutation, l'objet de cet article est de s'interroger sur les fondements théoriques et la faisabilité d'un revenu social garanti (RSG) inconditionnel et indépendant de l'emploi. Notre propos est de monter que ce dernier trouverait sa légitimité à la fois comme un investissement collectif de la société dans le savoir et un revenu primaire pour les individus résultant d'une contribution directe à la création de richesses et de valeur. Dans cette démarche, cet article s'articulera en deux parties.

La première sera consacrée à la caractérisation de notre conception du RSG tant dans son opposition aux propositions néo-libérales d'un impôt négatif ou d'un revenu minimum d'activité que par rapport aux limites théoriques qui affectent les approches libertariennes d'une allocation universelle. Dans ce cadre, nous verrons également pourquoi les mutations actuelles du travail, liées à la montée de sa dimension cognitive, donnent un fondement socio-économique nouveau à la proposition de RSG et permettent de le penser comme un revenu primaire.
La deuxième partie se proposera alors d'articuler la question de la légitimité socio-économique à la réflexion sur la soutenabilité financière de la proposition de RSG. Le cadre retenu pour cette estimation est celui relatif au cas français, mais il ne s'agit là que d'une première ébauche que nous entendons par la suite étendre à l'échelle de l'Union Européenne.