L'histoire de Paris n'échappe pas aux phénomènes généraux qui caractérisent l'Occident depuis le XIe siècle, en l'occurrence la formation de communautés d'habitants conçues comme spatialisées. Mais l'examen du cas parisien permet de préciser les modalités de cette formation, ainsi que les problèmes de logique sociale qui se posent dès lors que l'on touche au système des représentations sociales. L'étude de la charte de franchises concédée en 1174 au bourg de Saint-Germain-des-Prés et l'examen de la qualification des Parisiens dans les chartes royales des XIIe-XIIIe siècles montrent clairement comment se met en place une communauté d'habitants proprement dite, définie par son rapport à l'espace au lieu des rapports seigneuriaux qui enserrent ses membres. Se pose alors le problème de l'articulation de cette communauté spatialisée avec les autres communautés ou personnes qui sont dans cet espace mais ne peuvent appartenir à la communauté d'habitants: les universitaires en tant que communauté d'Eglise privilégiée; les juifs dans la mesure où l'espace est nécessairement chrétien; les marchands étrangers déjà bourgeois dans leur ville d'origine. Les trois situations sont réglées de façon spécifique, le cas des juifs s'avérant le plus significatif du processus en cours puisqu'ils sont précisément « déspatialisés ». L'expulsion dont ils finissent par être victimes ne doit ainsi pas être réduite à une simple forme de persécution, elle témoigne aussi d'une modification profonde des rapports des sociétés occidentales à l'espace (habité).