Le Weistum, “ aveu de droit ” contenant l'énumération, par les villageois, des droits d'un seigneur particulier dans leur village, se présente comme une sorte d'inverse de la charte de franchise, mais son intérêt primordial pour notre propos est surtout qu'il met en scène une forme de communication entre un seigneur et un village. Bon nombre de Weistümer donnent des détails sur la procédure elle-même (la Weisung, littéralement “ l'information ”), tels que la demande aux échevins de rappeler publiquement et sous la foi du serment le contenu des droits seigneuriaux, le recours général à la forme de questions et de réponses fournies par les échevins, parfois (de plus en plus ?) en leur demandant de confirmer le contenu d'un document écrit et lu publiquement.
La prise en compte des conditions pratiques de réalisation de la Weisung montre que l'on a affaire à une forme de reproduction du pouvoir seigneurial qui fonctionne moins par ce qu'elle affirme explicitement (les droits du seigneur) que par les rapports de communication qu'elle instaure entre les divers protagonistes, notamment à travers le jeu des questions et des réponses. Ce qui semble apparaître comme une procédure d'information donnant à la communauté villageoise le premier rôle fait en réalité de l'énonciation villageoise un moyen de construire un cadre de référence au sein duquel se reproduit la cohésion seigneuriale. Ceci contraint alors à s'interroger sur le sens de la notion d'“ information ”, et en particulier sur son rapport avec la vérité : au-delà de ce qui nous paraît être un simple mode d'information (au sens de renseignement), il s'agit en fait d'une procédure de véridiction, ce qui éclaire d'une autre manière le lien étroit que l'on voit se construire entre le pouvoir et la maîtrise de l'information. Il s'agit moins d'accumuler du savoir que de faire dire la vérité.