Cet article a pour objet la mesure, et plus particulièrement sa déclinaison musicale.
Dans un premier temps, l'auteur s'intéresse à la perception, amenant à interroger les notions d'espace et de temps, et les spécificités de l'expérience musicale. Il défend ainsi l'idée que le corps est notre principal outil d'appréhension des choses et que la perception est bien une activité.
La seconde partie est consacrée aux conceptions et aux usages du temps dans la musique. L'examen de la partition et du métronome montre comment les postulats de la philosophie mécaniste et la culture de l'exactitude ont été traduites en musique. En suivant les pérégrinations de la barre de mesure, on perçoit alors les métamorphoses des sociétés et la finesse des usages. Ainsi considérée, la musique apparaît comme un réseau dense de personnes et de techniques.
De ce périple au pays de la mesure, deux autres convictions se dégagent. Premièrement, les techniques et les outils (de mesure du temps) sont des mises en forme de nos aptitudes cognitives. Leurs transformations, leurs hybridations successives nous renseignent sur la façon dont les émotions se socialisent. Deuxièmement, une mesure objective n'a aucun sens: pour évaluer les choses nous devons disposer d'un référent collectif (i.e. social). Qu'il s'agisse de cognition, de science ou de musique ne change rien à l'affaire: mesurer c'est comparer.