Les quelques indications sur les formes plutôt marginales et mal documentées de vie consacrée en Provence, soient-elles issues d'une longue tradition ou des manifestations nouvelles de la vie commune, aident à mesurer la place de la diversité et l'évolution d'un paysage dominé par le monachisme bénédictin masculin. Autour de l'an mil, alors que les monastères féminins sont très minoritaires, le choix d'une vie consacrée autonome semble avoir été la solution pour certaines femmes de l'aristocratie. Ces femmes gravitent cependant autour d'églises et chapitres cathédraux ou de monastères masculins, et tendent au long du XIe siècle à se regrouper dans de petites communautés, souvent éphémères, liées, sans que l'on sache exactement selon quelles modalités, à des monastères d'hommes. De même, le mouvement canonial qui démarre d'abord avec l'adoption de la vie commune par certains chapitres cathédraux, génère dès les années 1030 des formes nouvelles et spontanées de vie commune avec la constitution autour d'églises rurales de petites communautés de clercs. Si certaines de ces communautés, sortes de dédoublement de chapitres cathédraux, ont pu s'institutionnaliser et perdurer, d'autres, issues parfois de l'initiative du clergé rural, avec un statut mal défini, sont amenées à intégrer les réseaux monastiques en pleine expansion. Les réseaux monastiques servent alors de moyen d'encadrement et de contrôle de la diversité de la vie consacrée. La souplesse avec laquelle les réseaux incorporent cette diversité est due en partie au caractère peu formalisé et peu centralisé qui caractérise les rapports entre les monastères et leurs dépendances, même si à terme, ils tendent à réduire les différences au profit d'une “ monachisation ” de plus en plus généralisée.