Pendant les XIe et XIIe siècles, plusieurs monastères provençaux ont constitué des réseaux de dépendances significatifs. Cinq ont eu des dépendances en Italie : Lérins, Saint-Victor de Marseille, Saint-Ruf, Montmajour et Saint-Gilles. Il n'existe pas un seul mouvement monastique provençal vers l'Italie, mais chaque abbaye, à un moment particulier du développement de son réseau de dépendances a investi des contrées transalpines, souvent de manière durable. La proximité géographique de Lérins prédisposait cette abbaye aux contacts avec l'aristocratie laïque et ecclésiastique ligure, alors que Saint-Victor de Marseille et Saint-Ruf d'Avignon arrivent en Italie dans les contextes réformateurs de la fin du XIe et de la première moitié du XIIe siècle. Saint-Victor est l'un des instruments de la politique réformatrice pontificale grégorienne dans l'arc méditerranéen. L'abbaye assure une présence “romaine” en Sardaigne et se dote de relais, à Gênes et à Pise, sur la route vers Rome. Saint-Ruf, pour sa part, met en place et diffuse un nouveau modèle de vie commune, avec l'appui de la papauté également. Toutefois, la présence rufienne en Italie, comme ailleurs en Languedoc et en Péninsule Ibérique, reflète aussi la politique d'alliances de ses principaux bienfaiteurs, les comtes de Barcelone. Réformateurs grégoriens et princes réformateurs jouent un rôle non négligeable dans la formation de la carte des implantations monastiques provençales en Italie, entre le XIe et le XIIe siècle. Au XIIIe siècle, alors que les bénédictins ou les chanoines réguliers souffrent d'une certaine désaffection, ce sont encore les princes qui donnent les limites de l'horizon italien d'un monastère comme Lérins. Dans leur relecture, ou réécriture des origines de l'abbaye, les lériniens cherchent de nouveaux pèlerins et rêvent d'atteindre les frontières italiennes du royaume angevin à travers le récit épique et édifiant de la vie et des miracles de saint Honorat.