Les frontières de l'Albanie sont les dernières à « tomber », au printemps 1991, en même temps que le régime hérité d'Enver Hoxha. La rupture est brutale : le pays traverse une crise politique et économique grave et sombre dans le chaos et la pauvreté. Un des phénomènes majeurs de cette période est l'intensification des mobilités : depuis les montagnes vers les plaines, depuis les campagnes vers les villes, depuis l'Albanie vers la Grèce et l'Italie, toute la population semble soumise au mouvement. Dans les régions frontalières avec la Grèce, au sud de l'Albanie, l'émigration est massive. Elle ne se fait pas sans inégalité : très vite, les chrétiens orthodoxes semblent avoir un accès plus facile à la Grèce et, parmi eux, les membres de la minorité grecque d'Albanie apparaissent comme des privilégiés. Des hiérarchies se sont jour, qui entraînent une fragmentation de la société le long de lignes de partage que l'on croyait oubliées. Pourtant, le « mythe de l'ouest » fonctionne et les régions frontalières se transforment sous l'effet des liens intenses qui relient désormais les deux côtés de la frontière, l'Albanie et la Grèce, l'Albanie et l'Europe. Mais l' « occidentalisation » et l'apparition de processus transnationaux ne suppriment pas les inégalités et le sentiment d'exclusion, durement ressentis au voisinage immédiat des frontières de l'Union européenne.