Dans ses réquisitoire présentés devant le pape Clément V en 1310 et 1311 sur les manquements à l'observance de la Règle franciscaine dans les couvents italiens de l'ordre, Ubertin de Casale devait notamment penser au couvent florentin de Santa Croce dans lequel il avait lui-même résidé. Un examen de la documentation notariale conservée concernant le couvent dans les années 1296-1310 confirme la plupart des accusations. L'existence même de ces registres signale que les frères florentins avaient l'habitude de recevoir et d'exécuter les testaments de laïcs ou de tertiaires. Si le couvent pouvait abriter environ 150 frères à la fois, la grande majorité provenait de Florence ou de son contado, une petite proportion du reste de la Toscane et un nombre minime d'autres provinces. Attachés à leur couvent, nombre de frères gardaient des liens étroits avec leur famille et recevaient des legs personnels. C'est en particulier le cas pour les frères issus de grandes familles de magnats, appartenant indifféremment au parti des guelfes noirs ou des guelfes blancs, qui se partageaient les principales charges administratives (gardien, custode, inquisiteur) et maintenaient ainsi, en quelque sorte, sous influence, l'un des plus grands couvents franciscains de l'époque, au moment de la construction de sa riche basilique. L'accumulation de livres ou la bienveillance à l'égard d'usuriers incomplètement repentis sont également documentées. Ce tableau permet de comprendre l'origine du mouvements des « Spirituels » qui, en Toscane, pouvaient simplement être des frères mineurs soucieux d'observer la Règle, telle qu'elle avait été en vigueur sous le généralat de Bonaventure (1257-1274).