À l'inverse des études courantes qui imputent certains dysfonctionnements du marché du travail à l'opportunisme ou l'incompétence des chômeurs, cet article questionne les jugements des recruteurs, leur difficulté à évaluer un appariement qui les amène à faire des choix sur la base de tel ou tel critère qui devient décisif, alors qu'il pourrait être remis en question. De ce fait, certains profils de chômeurs ne passent jamais le cap du tri de CV et sont systématiquement écartés d'une chance d'être évalués en situation d'interaction. Avec une hypothèse de départ (l'exclusion prend sa source dans les modèles d'évaluation du travail), et une méthode d'analyse (la formalisation par les modèles de durée), nos conclusions sur le chômage de longue durée se dissocient de celles plus connues en termes de trappe à chômage ou à inactivité. En retournant l'effet causal, nous parlons de " trappe à inemployabilité " : à chaque modèle d'évaluation du travail correspond un concept d'employabilité, ainsi que son contingent de laissés-pour-compte au fond de la trappe, sans aucun calcul stratégique de leur part. Sans nier l'existence d'arbitrage de la part des chômeurs en faveur du loisir, ce travail explore la piste selon laquelle chaque convention de qualité du travail crée son " bon " profil de travailleur et, en négatif, ses inemployables pour qui les probabilités d'accès à l'emploi s'amenuisent. Seul un jugement équilibré, combinant l'ensemble des modèles d'évaluation, doit assurer une égalité des chances pour tous.