L'enquête sur les préambules et les formules comminatoires des actes de donation du vaste corpus de Saint-Victor de Marseille (avec plus de 300 originaux conservés et un cartulaire compilé dans les années 1080 avec environ 800 actes) s'articule autour du cadre de la production des chartes et des discours qu'elles véhiculent. On envisage ainsi la question de la dynamique de l'écrit à l'intérieur d'un processus où entendre, parler, voir, réfléchir sont des actions préalables à la mise par écrit des actes diplomatiques qui laissent entrevoir en filigrane le travail pastoral réalisé par les moines et sa répercussion dans les consciences. Plus explicites sur le contenu de l'enseignement transmis et de l'idée que les moines diffusent de leur rôle dans la société, les préambules développés d'environ 275 actes de donation, attestent de la régularité thématique et de l'originalité des énoncés (emploi des Écritures, de la patristique...), dans un contexte de production scripturaire fortement décentralisé. Axés, en grande partie, sur la pastorale de l'aumône et l'histoire du salut, les préambules tendent à légitimer l'essaimage d'églises monastiques et la place des moines dans un domaine, la gestion des églises et des fidèles, traditionnellement réservé à l'épiscopat et au clergé séculier. Dépositaires des aumônes mais désormais aussi des lieux du sacrifice, les moines garantissent et justifient les possessions matérielles et l'expansion réticulaire de l'abbaye.