Avec César de Nostredame (1553-1629), et son Histoire et chronique de Provence (1614), nous sommes confrontés à une véritable écriture de soi au sein d'un genre historique naissant. Ici ranger en corps d'histoire, c'est tout autant parler de soi que relater un événement, dans la mesure où l'écrit de l'histoire est d'abord une ressource de la construction de soi. César de Nostredame fait ainsi émerger les justificatifs de sa propre existence et de là, il peut s'identifier à un démiurge d'un monde qui advient avec l'écriture, au-delà du simple témoignage de la validité des faits. Une telle présence au monde outrepasse le deuil, la frustration, toute souffrance en permettant de poser l'existence d'un passé idéal. Ainsi, en dépit des humiliations violentes dont son père fut victime à Salon, il idéalise le souvenir d'une reconnaissance publique effectuée par le roi devant les citoyens de Salon (1564) par une scène étonnante où César se visualise enfant aux côtés de son père auréolé de gloire et du jeune Charles IX. Mais cette idéalisation ne compense pas l'impossible absence de reconnaissance (par un père qui meurt lorsqu'il est enfant ; par le roi qui n'accomplit pas toutes ses promesses ; par la noblesse qui ne le rétribue pas pour son Histoire de Provence...). L'écriture est alors aussi une quête de visibilité, imposée, au sens propre du terme, à ceux qui refusent de le voir. Elle apparaît, à la fin de sa vie, dans sa correspondance ; dans la dérisoire menace d'un « poème de l'ingratitude » qu'il rédige contre la noblesse provençale ; mais surtout, dès la Ligue, dans une posture critique vis-à-vis de la société, et dans un mouvement qui le porte jusqu'à l'affirmation du rôle central de l'individu.