Comme toute institution littéraire (H. Merlin, 2001), les Jeux Floraux ne sont ni seulement l'espace d'une formalisation esthétique, ni seulement le prolongement d'un champ social où seraient transposés, sur un mode symbolique, des rapports de forces extérieurs ; ils mobilisent l'exercice d'un Verbe commun, selon des normes et des rituels, et constituent, en ce sens, un mode de configuration de l'expérience sociale, dont l'implication politique est encore renforcée par une filiation théorique avec les Jeux antiques. Les conflits qui opposent tout au long du XVIe siècle Capitouls et Mainteneurs permettent ainsi d'accéder aux configurations complexes dans lesquelles s'élabore l'identité politique de la cité : le poids des traditions antiques, l'héritage du « républicanisme » médiéval, mais aussi la manière dont les conflits, répétés chaque année lors du concours, permettent d'expérimenter, dans l'espace rhétorique de la délibération, l'invention d'un ordre social contractuel fondé – selon le mot d'un capitoul – sur la « qualité des temps ». L'institution littéraire apparaît alors comme un lieu privilégié où se construit, entre héritage et invention, un humanisme civique qui rattache toujours les libertés urbaines à la constitution organique de la cité, mais ne s'inscrit dans aucune rationalité mécanique – celle qui opposerait, par exemple, capitouls et mainteneurs dans une période de construction de l'État royal où devrait se résoudre l'alternative entre souveraineté monarchique et souveraineté municipale, à laquelle chacun des acteurs reste attaché. À ce titre la mise en évidence d'un ordre discursif procédant d'une réflexivité pratique, c'est-à-dire de ce qui fait narration dans le conflit, voire de ce qui manifeste la vérité de la loi en dit plus que les représentations et les doctrines. Ainsi en est-il de la relation à l'humanisme civique qui renvoie plus à des médiations attestées dans le conflit qu'à un corps de doctrine.