On annonce depuis près d'un siècle la disparition des ensembles d'instruments à vent, héritage du mouvement orphéonique initié au XIXe siècle, ancré principalement dans un monde rural et populaire aujourd'hui largement révolu. Si elle a décliné cette pratique n'en demeure cependant pas moins importante, plusieurs milliers d'orchestres constituant le cadre de la formation et de l'activité musicales d'amateurs de tous âges. Elle n'avait jusqu'ici jamais fait l'objet d'une enquête approfondie, le désintérêt des sociologues faisant écho au mépris de la critique musicale. La découverte de cet univers musical fournit ainsi l'occasion d'explorer deux questions. Comment se maintient une forme culturelle quand les bases sociales qui en ont favorisé le développement se délitent ? Comment est vécue une pratique socialement dévalorisée et référée négativement au modèle culturel légitime ? Vincent Dubois, Jean-Matthieu Méon et Emmanuel Pierru ont enquêté en Alsace, où les orchestres d'harmonie sont nombreux. Mêlant l'analyse statistique à l'enquête ethnographique, ils fournissent une vision vivante et nuancée de leurs différentes configurations sociales — les mondes de l'harmonie — qui ouvre de nouvelles pistes pour comprendre les relations entre hiérarchies culturelles et transformations sociales.