L'enquête longitudinale permet de dépasser la vision "balistique" ou "archéologique" des parcours de vie, d'éviter de les "lisser" en les considérant seulement depuis un point de départ ou un point d'arrivée. Elle permet de comparer des situations dans des moments différents, mais aussi des projets et des récits, et de reconstruire des intervalles de temps balisés par les vagues d'enquête qui sont autant de "présents" distincts. Cette mise en perspective(s) conduit à envisager ces parcours comme des processus, des "façons d'avancer" qui évoluent. Elle favorise en particulier le repérage de bifurcations biographiques, trop souvent ignorées dans une tradition sociologique qui privilégie la continuité et la linéarité. Ces bifurcations sont caractérisées par l'imprévisibilité, l'irréversibilité, l'ampleur de la réorientation et la contamination entre les sphères de la vie. A travers la présentation d'un projet de recherche qui démarre juste, nous envisagerons les pistes ouvertes par ce déplacement conceptuel, en évoquant la façon dont on peut rechercher les bifurcations dans des parcours à partir d'enquêtes qualitatives et en ouvrant quelques perspectives d'articulation entre travaux qualitatifs et quantitatifs.