La création de séries télévisées dérivées vise toujours, de manière plus ou moins explicite, un transfert d'ethos de la série première à la série seconde. Dick Wolf, créateur de la franchise Law & Order, pousse cette logique à l'extrême en construisant, à l'aide de multiples configurations discursives spécifiques, un ethos clairement identifiable. Ainsi, au fur et à mesure du déploiement de ses différentes séries dérivées est bâtie une figure de garant de l'univers fictionnel fondée moins sur l'habituel examen de cohérence du narrateur -- qui a été en œuvre lors de la réception de la première série, Law & Order -- que sur la mise en avant d'une similitude entre les programmes produits. Ainsi, alors que la plupart des systèmes de séries dérivées sont fondées soit sur la reprise d'un même schéma narratif (comme dans les différentes variations de CSI) soit sur le passage d'un personnage secondaire devenu principal dans la série seconde (voir Buffy the Vampire Slayer et Angel, Grey's Anatomy et Private Practice...), le cas de Dick Wolf est intéressant car le système de dérivation est fondé sur l'image du producteur qui développe une rhétorique particulière autour de son image de marque. Ce travail éthique au sens technique est tellement développé qu'il peut se déployer en dehors même du genre de la série télévisée dramatique, comme le montre sa série documentaire Crime & Punishment. Dans le cadre du discours épidictique que développe la forme série télévisée, le cas de la franchise Law & Order offre donc un exemple prototypique de la façon dont peut se construire l'image d'un créateur à travers des stylèmes prenant valeur de figures argumentatives.