La production verbale écrite est un processus dynamique complexe qui se déploie doublement dans le temps, puisqu'il s'agit à la fois d'une activité cognitivo-langagière ayant sa propre temporalité, et de l'engendrement progressif d'un texte rendu sensible par le biais de la trace graphique résultant de cette activité. De ce fait, elle a fait l'objet d'analyses contrastées entre elles par la perspective adoptée qui peut être centrée soit sur les opérations mentales réalisées par le scripteur soit sur la génération du tissu linguistique et graphique signifiant qu'est le texte. Cette différence de point de vue, qui correspond à des options théoriques et méthodologiques puisque dans un cas l'analyse s'inscrit principalement dans le cadre de la psychologie cognitive alors dans l'autre elle participe de la linguistique textuelle ou de la génétique textuelle, se traduit également par des résultats de recherche ayant peu d'intersections. En effet, les épistémologies des disciplines concernées les amènent à avoir des visées nettement divergentes : dans un cas il s'agit, à partir d'expérimentations réalisées selon des protocoles dont toutes les variables sont contrôlées, de tendre vers des modélisations et des généralisations ; de l'autre, il s'agit de d'observer le plus minutieusement possible des données prélevées in vivo pour rendre compte de la façon la plus fine possible de leur singularité. Pour tenter d'avoir une représentation de l'activité de production verbale qui ne soit ni figée comme le sont les modélisations quand elles se rigidifient, ni limitée par la singularité de son objet d'étude, nous avons pris le parti d'envisager l'activité de production verbale écrite sous l'angle du traitement des contraintes opéré par le scripteur. Nous considérons donc la production verbale écrite comme un ensemble de contraintes psycholinguistiques et linguistiques que le scripteur a à gérer, contraintes qui certes peuvent faire l'objet d'une modélisation, mais dont le traitement quant à lui doit être observé dans ses aspects idiosyncrasiques car la complexité de ces contraintes et la variabilité du degré de liberté qu'elles laissent au scripteur rend impossible le recours à un algorithme de résolution préprogrammé. Pour rendre compte de cette approche de la production verbale écrite, nous avons choisi de focaliser notre attention sur une contrainte particulière, celle exercée par le texte déjà produit sur le texte à venir. Nous examinons le type d'information que fournissent les différentes méthodologies d'observation portant sur le traitement de cette contrainte par les scripteurs. Nous présentons à cette occasion une expérimentation visant spécifiquement à identifier des styles différents dans le traitement de la contrainte exercée par le texte déjà produit.