L'antéposition de l'adjectif épithète en français se trouve associée à des effets sémantiques qui sont hétérogènes, et dont il ne faut pas chercher à réduire l'hétérogénéité : celle-ci fait partie du caractère même de la construction ; on doit les décrire dans leur variété, et pouvoir expliquer la raison de ces variations. On constate en particulier que l'antéposition de l'épithète a parfois pour effet d'être fortement expressive (et on sait que les adjectifs appréciatifs sont parmi les plus fréquents dans cette construction : voir par exemple une si merveilleuse amie), parfois pour effet au contraire de renvoyer à des formes de prototypes (et les adjectifs dits de nature sont aussi souvent cités comme les plus attendus en antéposition : voir par exemple les petites filles), et a souvent pour effet d'être fortement imagée (voir toutes les images plus ou moins stéréotypées qui sont attachées au saint homme, aux noirs desseins ou à la belle robe par exemple). Ces trois grands types d'effets ont en commun de s'inscrire tous les trois dans une logique énonciative particulière, qui est celle de l'évocation : l'ensemble adjectif + nom donne forme à une " image ", qui se trouve installée dans la scène référentielle du texte. L'adjectif y a une fonction qui n'est plus de marquer une propriété distinctive du référent, mais de donner un trait constitutif de ce référent : une différence subtile mais dont les effets sont très marqués, et qui explique en particulier la raison pour laquelle l'adjectif rompt avec les relations paradigmatiques par lesquelles il se distingue des autres adjectifs de son champ.