L'analyse des interférences du canonique, du judiciaire et du littéraire a été menée au sein des fabliaux et des farces français, puis dans les nouvelles et les contes (français, anglais et italiens), avant de poser la question de la place qu'y occupent les mariages clandestins. La reformulation littéraire du réel apparaît passer par une sélection signifiante de motifs narratifs. La mobilisation des discours juridiques ou leur intégration dans l'épaisseur du récit répond à des logiques irréductibles les unes aux autres. En matière de formation du lien matrimonial, le rire médiéval naît dans les interstices de la norme et non contre elle. La nouvelle et le conte en usent parfois comme artifices d'authentification du récit pour créer en trompe-l'œil des effets de réel afin de proposer à l'auditoire des référents normatifs qui créent les conditions d'une connivence entre l'auteur, les récitants et l'auditoire, ou pour mieux souligner les traits de certains personnages. La place qu'occupent les familles dans les contes à rire ou les nouvelles en témoigne. Des couples médiévaux célèbres ont bien alimenté la mythologie renaissante et moderne des mariages d'amour, plus ou moins triomphants des contraintes familiales. Mais la clandestinité ne semble pas prêter à rire, et l'on peut même se demander si elle prête à la " contrefaçon " tant elle met en jeu des rapports complexes avec la norme et la déviance, avec la règle et son infraction. Tant que les mariages clandestins ne sont pas pensés comme une transgression morale, ils ne semblent pas s'imposer comme matière à rire, et ils ne deviennent ressort tragique que lorsqu'ils finissent par signifier unilatéralement un mariage " sans le sceu et adveu des parents ", au début du XVIe siècle, comme en témoignent entre autres l'Heptaméron de Marguerite de Navarre ou le Tiers Livre de Rabelais. L'incursion nouvelle de la thématique clandestine traduit le changement opéré dans l'articulation entre littérature, discours juridique, norme sociale et ordre moral.