Après l'Empire : Violences institutionnelles dans le Djibouti colonial tardif
Résumé
This article presents and analyzes a set of institutional manifestations of violence that took place in a late colonial situation--the French Territory of Afars and Issas from 1966 up to its independence in 1977--with the announced aim of blocking migratory movements and maintaining French sovereignty over the territory. The present article describes this violence mostly performed by military forces ("barrage," endless physical control of the inhabitants of the autochthonous areas, raids, evictions, indexing, etc.), and the way it was legitimized by an identity assignation process, the methods and ideological resources of which are explained. This example from a recent past shows the stakes and methods of migration control, and the possible infringement on the rule of law it can cause in a postcolonial state. Its study, however, shows that the colonial situation is not sufficient in itself to explain this use of extraordinary coercive procedures. They participate in the construction of national identity, but are also responsible for the difficulties of its construction. This situation is part of the evolution of the technologies of institutional violence after World War II, mostly applied to "foreigners".
Cet article présente et analyse un ensemble de manifestations de violences institutionnelles dans un cadre colonial tardif - le Territoire français des Afars et des Issas de 1966 à son accession à l'indépendance en 1977 - qui avaient comme ambition annoncée de contrarier des mouvements migratoires et de maintenir la souveraineté française. Il décrit cette violence, mise en œuvre principalement par des forces militaires (barrage, contrôle incessant de la population des "quartiers autochtones", quadrillage, ratissage, expulsions, mise en fiche...). Elle est sous-tendue par un processus d'assignation identitaire dont nous détaillons les modalités et les ressources idéologiques qu'il mobilise. Cet exemple peu étudié et assez récent nous éclaire sur les enjeux et les moyens du contrôle des migrations et sur les transgressions possibles de l'état de droit dans un cadre républicain post-impérial. Son étude montre que la situation coloniale ne suffit pas à expliquer la mise en œuvre de ces procédures coercitives extraordinaires, qui participent à la formation nationale et peuvent expliquer ses difficultés. Il s'insère dans l'étude de l'évolution des techniques de violence institutionnelle après la Seconde Guerre mondiale, qui s'appliquent principalement aux "étrangers".