Objets fictifs et 'êtres de raison', locataires de mondes à la Renaissance
Résumé
The question of possible worlds as a way to approach fiction is crucial for the Renaissance, where fictional objects could constitute "worlds." This question was fed by secular speculation about the status of chimeras, the rediscovery of the medieval entia rationis that provided it with a metaphysical foundation, competing with or complementing the theory of signs inherited from Aristotle, with a logical modality of the possible and with a rhetoric of the verisimilitude in historical writing. The reluctance of historians of philosophy to consider literary inventions in the emergence of the theory of possible worlds is stimulating: imaginary worlds evoked by Panurge in the praise of debts (Tiers Livre) are based on the plurality of Epicurean worlds, which set the stage for believability in a well-constructed novel, wherein characters "live" according to the ethos which the author granted them. Thanks to the modality of the possible, freedom accorded to this false past which is the setting of the story permits bypassing the necessitarianism of those who are afraid of fictions.
La problématique des mondes possibles, comme outil d'approche de la fiction, est cruciale pour la Renaissance où les objets fictifs pourraient constituer des " mondes ". Elle bénéficie de la réflexion séculaire sur le statut des chimères, de la redécouverte des entia rationis médiévaux qui en offrent un fondement métaphysique, en concurrence ou en complémentarité avec la théorie des signes hérités d'Aristote, avec la modalité logique du possible et avec la rhétorique du vraisemblable dans l'écriture historique. Les réticences des historiens de la philosophie à prendre en considération les fictions littéraires dans l'émergence de la théorie des mondes possibles est stimulante : les mondes imaginaires évoqués par Panurge dans l'éloge des dettes (Tiers Livre) s'appuient en effet sur la pluralité des mondes épicuriens, qui préparent au principe de complétude à l'œuvre dans un roman bien construit, où les personnages " vivent " selon l'ethos dont l'auteur les a gratifiés. Grâce à la modalité du possible, la liberté accordée à ce faux passé qu'est le temps du récit permet de contourner le nécessitarisme de ceux qui redoutent les fictions.