L'Algérie et la Nouvelle-Calédonie ont été les deux seules colonies de peuplement de l'empire français. En tant que telles, elles ont été confrontées à des problématiques coloniales similaires, notamment en termes de politiques raciales et foncières. Après l'extension de la citoyenneté aux indigènes en 1946, elles ont connu les mêmes enjeux électoraux (collègue unique ou double, encadrements partisans, forclusion ou recours à la violence, etc.). Dans cette perspective, nous croiserons documents d'archives et entretiens ethnographiques afin d'analyser comment l'Algérie a informé les dynamiques politiques calédoniennes depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, autour de trois séquences temporelles successives. Nous aborderons d'abord le moment-clé de la sortie du régime colonial après 1945, en retraçant les conditions sociales et politiques ayant rendu possible en Nouvelle-Calédonie - mais impossible en Algérie - le triomphe électoral d'un parti (l'Union calédonienne, UC) fondé sur une alliance inédite entre colons et indigènes. Nous analyserons ensuite la façon dont les événements politiques des années 1958-1962 en Nouvelle-Calédonie ont été explicitement appréhendés, sur le moment puis après-coup, au regard de la situation algérienne (confrontation larvée entre l'Etat gaullien et l'UC autonomiste, tentative de coup d'Etat à Nouméa le 18 juin 1958, réaffirmation de la stratégie " multiethnique " de l'UC face au " contre-exemple algérien "). Enfin nous examinerons les nouvelles références à l'Algérie qui ont émergé en Nouvelle-Calédonie depuis les années 1970, autour de la question de l'indépendance kanak (formation intellectuelle tiers-mondiste des leaders kanak, création d'un " Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste " inspiré du FLN, activisme anti-indépendantiste " ultra " de nombreux rapatriés d'Algérie présents en Nouvelle-Calédonie, etc.).