Stephen Hinds a récemment montré l'intérêt qu'il pouvait y avoir, pour mieux cerner le positionnement de Martial par rapport à la figure d'Ovide, à se focaliser sur les trois premiers recueils de Martial : le Livre des spectacles, les Xenia et les Apophoreta, trois œuvres où la définition de l'identité poétique de Martial apparaît comme un enjeu majeur. La présente communication s'arrêtera sur le cas des Xenia et des Apophoreta pour y examiner la représentation du "couple" Virgile-Ovide. Nous verrons notamment que Martial rattache le premier à une forme de frugalité et à l'univers bucolique quand le second est associé à des images de raffinement cosmétique complexe que Martial se plaît bien souvent à tourner en dérision. Les choix esthétiques de Martial peuvent en outre être précisés grâce à la lecture des épigrammes portant sur des livres offerts en cadeau (Épigrammes XIV, 183-196), où figurent notamment des épigrammes sur le Culex, sur l'Énéide et sur les Métamorphoses. Un commentaire détaillé des Épigrammes XIV, 172-173 et 177-178 permet enfin de s'apercevoir que Martial y oppose, par touches allusives, deux types de rapports entre le prince et les œuvres d'art (qu'il s'agisse de poèmes ou de représentations figurées) : cette opposition est symbolisée par la comparaison qu'il établit implicitement, dans ces quatre pièces, entre deux dieux pouvant servir de modèle à des empereurs (Hercule et Apollon) et entre deux poètes (Virgile et Ovide). Cette lecture des épigrammes relatives à des œuvres d'art nous amènera à proposer une lecture métapoétique de certains des distiques rassemblés dans les Xenia et les Apophoreta : nous verrons en effet que certains des objets décrits par l'épigrammatiste peuvent être interprétés comme de minuscules allégories esthétiques qui sont tout à fait révélatrices de ses choix et de son programme poétique.