Cette étude comparée porte sur l'aménagement du territoire, thématique qui possède au Japon une réalité politico-administrative surtout centrée sur les défis de la croissance économique et au Canada une réalité institutionnelle fédérale assez limitée. Le défi analytique est d'autant plus saillant que les enquêtes de terrain que nous avons menées en 2011 sont centrées sur deux objets assez spécialisés : d'un côté la question du déclin démographique dans son traitement par quatre villes japonaises et par les opérateurs ferroviaires, de l'autre les enjeux de planification dans les expertises portées au sein de deux métropoles canadiennes. Pour réduire un peu la difficulté, nous avons cherché à concentrer les analyses sur les façons de concevoir l'aménagement du territoire dans les deux cas. Cette voie permet d'éclairer ce qui nous semble relever de l'impensé sur le cas français : l'esprit d'initiative des réseaux sociaux et des acteurs privés côté japonais, la doctrine spécifiquement métropolitaine de la " croissance intelligente " côté canadien. L'attention et la focale sont donc orientées sur les représentations culturelles en matière d'aménagement du territoire, avec un plan en deux parties. Au Japon, la tendance lourde du déclin démographique depuis une décennie mobilise une série de " recettes " concrètes dans les quatre régions observées. Ces recettes nous informent sur les différentes façons d'appréhender le problème selon l'histoire et la trajectoire de leurs centres urbains et régionaux. Les résultats permettent notamment d'observer comment différentes catégories d'acteurs et d'opérateurs privés défendent une conception " par le bas " des enjeux d'aménagement. Au fil des six terrains d'études, il nous semble ainsi possible de souligner deux figures, celles du " voisin " et de la " gare ", qui cristallisent des façons d'envisager les enjeux de l'aménagement du territoire. Cette conception trace peut-être, pour le cas français, des perspectives inédites en termes de revitalisation et de consolidation des liens sociaux tout en suggérant de nouveaux gisements de croissance. Au Canada, c'est en analysant l'organisation institutionnelle de deux métropoles et la formation des doctrines sur la " croissance intelligente " et sur le " nouvel urbanisme " portées par les experts du développement urbain que l'on comprend mieux la " vision " de la planification qui structure les politiques provinciales et métropolitaines étudiées. Les initiatives en matière de durabilité et d'aménagement nous informent notamment sur une promotion d'un bien-être urbain soucieux à la fois de concertation avec les usagers et de régulation sur les intérêts fonciers. On verra notamment comment cette singularité planificatrice s'exprime dans la façon dont les experts mettent en récits deux figures (les " propriétaires " et le " piéton ") et un type d'espace (la " ceinture de verdure "). Enfin, ces coups de projecteur sur les représentations japonaise et canadienne de l'aménagement du territoire nous incitent à tirer dans un troisième temps quelques enseignements prospectifs concernant d'éventuelles " leçons françaises ". L'approche comparée éclaire les spécificités de chaque tradition nationale (voire régionale ou métropolitaine) dans le rapport que les pouvoirs publics entretiennent à l'espace, à la croissance et au politique. On peut évoquer, sur ces trois pans, des pistes concernant d'éventuels transferts de connaissances et d'expertises qui ouvrent des préconisations sur les politiques françaises en matière d'aménagement du territoire. L'étude est complétée par deux annexes listant les réseaux institutionnels et scientifiques dans ce domaine, la première mentionnant les acteurs et les think tanks sur l'aménagement urbain au Canada et la seconde les établissements de recherche sur la ville et le déclin urbain au Japon.