Comme en témoigne l'annonce récente de la réforme relative au cinquième risque, le nombre croissant de personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer ou de pathologies neurodégénératives apparentées soulève de nombreuses interrogations parmi lesquelles celle, du déclin des capacités de communication qui participe à la perte d'autonomie. Dans ce cadre, le maintien à domicile des personnes dépendantes est largement encouragé. La prise en charge à domicile s'inscrit ainsi dans une dynamique de désinstitutionnalisation que l'on peut relier à la fois à l'idéologie de l'intégration sociale - qui s'oppose au principe du placement institutionnel - mais également (et surtout) à des contraintes économiques majeures. Ainsi, le maintien à domicile du fait, entre autres facteurs, des solidarités familiales qui l'accompagnent, est perçu comme une source de stimulation qui influe considérablement sur le devenir du malade, notamment au plan communicationnel. Une étude de Rousseau a ainsi montré que les capacités de communication des patients ne dépendent pas uniquement du degré d'atteinte cognitive le plus souvent déterminé par le score au MMSE (Folstein et al., 1975) et que de nombreux facteurs, tant individuels que contextuels, peuvent influencer les performances en communication (Rousseau, 1993). En effet, une étude plus récente a démontré que le maintien à domicile permet aux malades atteints de la maladie d'Alzheimer de préserver plus longtemps leurs capacités de communication (Rousseau et Loyau, 2006). Les résultats de cette recherche ont conduit les auteurs à s'interroger sur les facteurs qui perturbent la communication au sein des institutions. L'une des hypothèses formulées pose que les tentatives de communication émises par les malades institutionnalisés seraient, au fur et à mesure que progressent les troubles du langage associés à la maladie1, de plus en plus fréquemment rejetées par les soignants extérieurs, tandis que les personnes familières feraient plus d'efforts pour maintenir une communication efficiente avec leur proche en s'adaptant à leurs capacités résiduelles. Ce résultat nous conduit à faire l'hypothèse que la relation interpersonnelle existant entre les membres de la dyade interactionnelle pourrait constituer un facteur influant sur les capacités conversationnelles des patients. Objectif L'objectif de cette étude est d'analyser le fonctionnement des phénomènes pausaux dans l'interaction, à travers l'étude des pauses intra- et inter-tours, dans un entretien entre un malade d'Alzheimer et un aidant proche et entre le même malade et une personne inconnue. Participants 17 patients diagnostiqués comme présentant une probable maladie d'Alzheimer et 20 sujets contrôles appariés en âge, sexe et statut socio-économique ont participé à l'étude. Dans la condition [+proche], le choix de l'interlocuteur a été donné aux sujets sains ; pour les patients, les proches nous ont été indiqués par le médecin coordinateur de l'E.H.P.A.D où l'étude à été conduite. Dans la condition [-proche], l'interlocuteur est l'expérimentateur de l'étude (inconnu des sujets). Les sujets ont été invités à parler librement d'un moment marquant de leur vie personnelle ou professionnelle pendant une dizaine de minutes environ. L'interlocuteur (proche ou non) avait pour consigne d'intervenir de la façon la plus naturelle et spontanée possible pour que la conversation se déroule dans des conditions écologiques. Les résultats révèlent que la fréquence moyenne des pauses intra-tours est significativement plus importante chez les sujets contrôles que chez les patients atteints de la MA (p<.05). En revanche, ces derniers produisent des pauses intra-tours significativement plus longues que les sujets contrôles (p>.01). Ceci signifie que les sujets âgés sains hésitent plus fréquemment au fil de leur discours mais que leurs hésitations sont plus brèves que celles des patients Alzheimer pour lesquels les processus de planification semblent plus lents. Nous observons également que la fréquence et la durée moyenne des silences (>1sec) sont significativement plus élevées chez les sujets atteints de la MA que chez les personnes saines, même très âgées (p<.01). Cet états de fait témoigne d'une adaptation de la part des aidants proches dans la mesure où ceux-ci semblent ne pas considérer les longs silences inter-tour comme une violation des règles conversationnelles. D'une manière générale, nos résultats suggèrent la pertinence d'une formation à l'adaptation pour les aidants institutionnels afin de favoriser l'autonomie communicative des patients.