L'espace de l'agros est défini, dans l'imaginaire grec, par sa position médiane entre les confins sauvages que sont les eschatiai et les lieux urbanisés où se concentrent les habitations humaines. Cette topographie symbolique fait d'emblée du paysan une figure des marges, dont le statut, du fait même de son caractère médian, se prête à diverses négociations, sur l'échelle qui va de la sauvagerie la plus extrême jusqu'aux raffinements de la vie civilisée. C'est cette marginalité du paysan que nous nous proposons d'interroger, à travers trois textes d'époques différentes- les Nuées d'Aristophane, le Dyscolos de Ménandre, les Lettres de Paysans d'Alciphron -, qui construisent et déjouent tour à tour, dans les personnages de paysans qu'ils mettent en scène, l'idée même de leur marginalité. Nous nous intéresserons plus particulièrement, pour ce faire, à la manière dont les auteurs du corpus retenu définissent, en termes d'espace et de modes de vie, cette marginalité paysanne, pour laquelle ils inventent ou mobilisent la catégorie de la rusticité, avant de tenter de mettre en évidence quelques-unes des manipulations qu'ils font subir à ce topos littéraire.