Si le paradigme de la mobilité est devenu dominant dans le champ des Migration Studies au cours des années 1990, son antonyme en revanche reste peu exploré. L’ enjeu de cette communication est de réintroduire la variable « immobilité » dans l’ étude des trajectoires de ceux qui migrent, des régimes migratoires et des systèmes productifs qui, dans les pays d’accueil, reposent sur le travail des migrants. Pour ce faire, je m’appuierai sur deux enquêtes portant sur le salariat agricole migrant de l’agriculture intensive, enquêtes qui seront mises en regard afin de monter en généralité et théoriser ainsi les liens entre (im)mobilités de travail et Unfree Labour. Dans le Sud de la France, les saisonniers marocains sous contrat de l’ Office des Migrations Internationales (OMI) voient leur mobilité « bridée » par la précarité de leur titre de séjour et l’arrimage de celui-ci à un contrat de travail (et donc à un employeur). Dans le Sud du Mexique en revanche, la sujétion des jornaleros guatemaltèques à l’ ordre de la finca est davantage obtenue par leur « illégalisation » et « expulsabilité », ainsi que par des mécanismes disciplinaires hérités de l’ économie de plantation: le recrutement par contratistas et l’ endettement forcé. À la suite des travaux pionniers de Moulier-Boutang (1998) et Brass (1999), nous chercherons donc à saisir en quoi les entraves à la libre-circulation des migrants sur le marché du travail expliquent la persistance de formes de travail non libre au sein du capitali sme mondialisé contemporain et renouvèle la division internationale du travail.