En s’intéressant au phénomène de la méconnaissance des effets pathogènes des pesticides sur la santé des agriculteurs, les auteurs cherchent à comprendre comment les instruments de connaissance qu’utilisent les politiques publiques peuvent avoir pour conséquence paradoxale d’obscurcir la compréhension des problèmes sociaux. Ils s’appuient pour cela sur les travaux récents portant sur les dynamiques de production organisée de l’ignorance. Ils complètent ces travaux en en soulignant les prolongements politiques et moraux. Ils mettent ainsi en évidence deux facteurs d’invisibilité sociale des maladies induites par les pesticides parmi les travailleurs agricoles : la sous-reconnaissance institutionnalisée des pathologies induites par certaines formes d’exposition professionnelle aux pesticides ; la sous-déclaration par les victimes des pathologies dont les instances de prévention reconnaissent pourtant le lien avec les pesticides.