Cet article cherche à comprendre comment la vision bipolaire du monde influence les circulations dans le domaine des télécommunications entre l’URSS et l’Europe de 1945 aux années 1960. Pendant l’entre-deux-guerres, le paradigme de la « forteresse assiégée » n’empêche pas des voyages de prospection des Soviétiques en Occident et différentes formes de coopération, c’est-à-dire une circularité dans les trajectoires des techniques entre l’Ouest et l’URSS. La Seconde Guerre mondiale marque une rupture en ce qu’elle autorise les transferts directs des équipements des télécommunications de l’Allemagne vers l’URSS. Cette expérience devient décisive à l’époque de la Guerre froide, lorsque les circulations se cantonnent au bloc socialiste, tandis que l’Europe occidentale est perçue comme une source de transferts des techniques vers l’URSS. Ainsi, la Guerre froide et la formation de deux blocs changent les pratiques de prospection, les modèles de coopération dans le domaine des télécommunications et la manière dont on envisage les techniques socialistes dans le réseau mondial des communications à l’ère du Dégel. L’exploitation du potentiel industriel des démocraties populaires doit permettre de dépasser la dépendance ancienne de l’Union soviétique vis-à-vis des équipements occidentaux et de démarquer les techniques de communication socialistes des productions capitalistes.