Quelles sont les conditions d’émergence d’un nouveau modèle plus égalitaire de division sexuée du travail, qui serait caractérisé par une configuration dite à « deux apporteurs de revenus, deux pourvoyeurs de soins » (Fraser, 1994 ; Crompton, 1999) ? Certaines études attestent en France d'un changement des aspirations des jeunes parents qui disent souhaiter passer plus de temps avec leurs enfants, et plus largement mieux « concilier » vie professionnelle et vie privée. Cette revendication traditionnellement portée par les mères semble se diffuser chez les jeunes pères, et ce dans toutes les catégories sociales. Si l’évolution des discours et des aspirations est sensible, tous les jeunes salariés sont-ils porteurs d’une réelle transformation des modèles d’égalité ? Que dire des pratiques réelles d’articulation vie privée - vie professionnelle des salarié.es les plus qualifié.es, confrontés à des normes de carrière construites au masculin-neutre ? Ceux, et surtout celles, qui tentent de contourner les normes dominantes de carrière ne sont-ils et elles pas pris au piège d’une individualisation des stratégies de conciliation ? Telles sont les questions que ce chapitre aborde à partir d'une enquête par méthodes mixtes menée entre 2005 et 2007 auprès de la population des cadres dirigeants et à potentiel d’une grande entreprise du secteur de l’énergie. Cette recherche réalisée en partenariat avec l’entreprise s’inscrit dans le contexte d’une politique affichée de lutte contre les discriminations et de promotion de la diversité, dont l’un des axes de l'accord égalité professionnelle de 2004 est une meilleure « articulation entre les temps de vie ».