L’émergence des grands ensembles en France (1945-1962) ne correspond pas seulement à la construction de nouveaux quartiers mais aussi à une nouvelle politique publique. Selon l’historiographie traditionnelle, cette politique aurait été mise en place de façon peu rationnelle et brutale, en réaction à la construction pavillonnaire et à la crise du logement. Cet ouvrage explore une nouvelle hypothèse. L'étude des expériences innovantes menées par le MRU (Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme) entre 1945 et 1962 permet de montrer que la politique des grands ensembles fut élaborée progressivement et en lien avec d’autres politiques publiques de construction. Le choix des grands ensembles a été fait à l’issue d’une quinzaine d’années d’expérimentation, qui permit de révéler les atouts et les défauts de l'option des grands ensembles. La diversité des sources (entretiens, archives du MRU, de la Caisse des Dépôts et Consignations, des communes et des organismes d’ HLM) fait apparaître les facteurs politiques, sociaux, techniques et économiques qui furent à l'origine de ce choix. Les chapitres consacrés à la genèse de la politique des grands ensembles à l'échelle nationale sont complétés par des études de cas à l’échelle locale (Creil, Angers, Garges-lès-Gonesse, Villiers-le-Bel). Ces exemples manifestent la diversité des opérations et des structures impliquées. Ils permettent de comprendre les relations entre le MRU et ses partenaires et l’impact de ces relations dans l’élaboration d’une politique des grands ensembles. Dans ces études apparaissent aussi l’accumulation des projets sur les mêmes terrains et l’articulation des différentes temporalités dans les questions urbaines : le temps long des idées en matière d’urbanisme et l’architecture, le temps moyen des projets et des options politiques, le temps court des opérations de construction et de la conjoncture politico-financière.