Dès 1973, dans Horizon, trajets marxistes en anthropologie, Maurice Godelier soulignait comment la parenté pouvait fonctionner à la fois comme une infrastructure et comme une superstructure, et qu’elle permettait en premier lieu de régler l’accès aux ressources foncières, et donc aux moyens de production. En 2004, dans les Métamorphoses de la parenté, il revint sur cette question fondamentale qui interroge la place et le rôle de la parenté : il n’y a pas de sociétés qui se fonde sur la parenté, dit-il alors, car partout c’est le domaine politico-religieux — l’idéel — qui fabrique les rapports sociaux. Dans cet exposé nous allons illustrer les raisons et mécanismes pour lesquels il est effectivement nécessaire de réanalyser les pratiques et de reconsidérer les modèles de la parenté, montrant que, prise indépendamment de la gestion des relations politiques et économiques, la parenté n’est, comme le disait jadis Schneider, effectivement qu’une « invention occidentale ». À l’inverse, en étudiant les stratégies de mariage en Australie et Vanuatu et en suivant leur évolution dans le temps (changements démographiques, monétarisation de l’économie, etc.), nous verrons que la parenté est à la fois le reflet des changements sociaux, mais aussi, et plus important peut-être, un moyen dont disposent les acteurs pour induire ces changements ou s’y adapter. Si Maurice Godelier a raison de souligner l’importance de l’idéel dans la fabrique des rapports sociaux, nous verrons qu’il n’est pas pour autant nécessaire de désavouer l’importance des rapports de parenté dans l’organisation des moyens de contrôle des ressources matérielles.