L’idée d’interroger l’usage du vocabulaire de la « passion au travail » par les salariés a été encouragée par une enquête collective sur les métiers de la diplomatie réalisée à la demande de la DRH du ministère des Affaires étrangères et Européennes (MAEE). Lors des entretiens menés avec des agents du ministère des Affaires étrangères, environ 80 occurrences spontanées des mots « passion », « passionnant », « passionné » ont pu être notées sur près de 120 entretiens analysés . Cette proportion est plus élevée que lors d’enquêtes antérieures portant sur d’autres métiers (infirmières, policiers). Pourquoi les diplomates rencontrés déclarent si souvent faire un travail « passionnant », vivre le travail comme une « passion », être « passionnés » par ce qu’ils font ? Que signifie la passion au travail dans leurs réponses ? Les diplomates ont le sentiment d’avoir auprès du public une image de privilégié, profitant d’un cadre de travail luxueux et plaisant, loin de l’image classique du travail comme peine et labeur. Un certain nombre des diplomates rencontrés se disent d’ailleurs eux-mêmes « privilégiés » de faire le métier qu’ils exercent. » Dés lors, La mise en avant dans les discours d’un engagement élevé (objectif et subjectif) dans le travail, des horaires chargés, voire de l’hyperactivité permet de relativiser les « privilèges » des diplomates. Il pourrait s’agir également d’une forme d’auto-persuasion, d’intériorisation d’une contrainte et d’une injonction à l’engagement et à la motivation : face à une mission dont le sens et la reconnaissance peuvent être problématiques et dans le cadre d’un métier fait à la fois de grandeurs et de servitudes, il peut être nécessaire de se remotiver, mais aussi de justifier aux yeux d’autrui son utilité et les efforts consentis.