Les élites sportives n’ont jusqu’à présent en France pas d’histoire ». Si le constat, opéré par une chercheuse au début des années 2000, est sans doute aujourd’hui excessif, force est de reconnaître que la question des sportifs d’excellence est délaissée dans l’historiographie française, surtout si on les considère sous l’angle de leurs conditions d’emploi. Quand la thématique est présente, elle n’est, la plupart du temps, abordée que de façon secondaire par les travaux qui y font référence, ces derniers s’avérant orientés par d’autres questionnements. Si l’on exclut l’article fondateur d’Alfred Wahl dans Le Mouvement social en 1986 , rares sont les analyses qui s’intéressent de façon centrale à cet aspect . Le cas du football, le sport qui concentre le plus de travaux scientifiques, est de ce point de vue très significatif. Ainsi, quand Patrick Fridenson et Marion Fontaine s’intéressent aux joueurs professionnels de Sochaux et Lens, c’est en les reliant à la question de l’encadrement des classes ouvrières. De même, c’est dans un travail centré sur le développement du football à Paris que Julien Sorez « rencontre » les joueurs d’élite. Quant à Fabien Archambault, il s’intéresse à ce sport en Italie dans la perspective d’une histoire sociale des affrontements entre communistes et catholiques pour le « contrôle du ballon ». Enfin, les études de Paul Dietschy relèvent principalement d’une histoire politique du jeu et de son organisation. Si ces travaux fournissent, malgré la diversité de leurs objets de recherche, des éléments relatifs aux conditions d’exercice des sportifs d’excellence, la connaissance en demeure lacunaire. Le présent dossier se propose de contribuer à combler ce vide en ouvrant le chantier d’une histoire sociale des sportifs au travail en Europe.