La violence dans le secteur sanitaire et médico-social s’est constituée en problème social en France au cours des années 1990. A partir de son inscription dans l’agenda politique s’accompagnant de discours et politiques sécuritaires jumelée aux réformes du secteur sanitaire et médicosocial – instaurant notamment des politiques de bientraitance comme critères de certification – l’essor de l’étude des violences dans ce secteur s’est étudié de manière dominante en l’intégrant dans le vaste domaine de la sécurité et de la santé au travail selon une approche psychologique ou épidémiologique. Nous proposons de construire cet objet selon une approche sociologique et de prendre acte de la relativité et de la normativité de la notion de la violence en faisant le choix de définir comme violence ce qui est qualifié comme telle par les enquêtés. En cohérence avec la définition retenue de la violence, nous avons recueilli les données par enquête de victimation, demandant aux enquêtés, ce dont ils se déclarent être victimes. Vingt-cinq établissements ont ainsi été enquêtés dans le nord de la France en 2014-2015 et 444 questionnaires ont été recueillis auprès des personnels soignants. Cette approche théorico-méthodologique relevant de la phénoménologie contribue à donner un autre éclairage du phénomène de violence. Réinscrivant le factuel dans le situationnel et le contextuel, l’analyse permettra de montrer que les situations de violence décrites par les enquêtés constituent non seulement la manifestation d’un vécu éprouvant se cristallisant dans la relation aux usagers mais qu’elle est aussi expression d’une identité professionnelle et moyen de peser sur les rapports de force au sein de l’organisation.