L'essentiel La précaution induit que l'incertitude sur les risques d'un produit ou d'une activité ne justifie pas de repousser l'adoption de mesures de protection. En cas de doutes sérieux, il s'agit d'agir pour éviter un éventuel dommage. Introduite en droit interne par la loi Barnier de 1995 (relative au renforcement de la protection de l'environnement), la précaution a fait son entrée en droit français de l'environnement il y a plus de vingt ans, bouleversant ainsi les modes de pensée traditionnels de prévention des risques. Sa valeur juridique a, pendant longtemps, été discutée pour être souvent réduite à un simple « standard politique » destiné à guider l'action des autorités administratives. Mais sa consécration dans la Charte constitutionnelle de l'environnement en 2005 l'a placée enfin au rang de véritable principe normatif à valeur constitutionnelle dont la force contraignante et l'effectivité sont désormais en devenir pour contribuer à l'adaptation nécessaire de la gestion des risques d'une société confrontée à des mutations technologiques majeures. Consacré en droit de l'environnement, le principe entend aussi se réaliser dans d'autres domaines, comme en matière de santé publique, branche dans laquelle il attire particulièrement l'attention. Par suite, l'extension de son champ d'action interroge naturellement sur les potentialités de son application en matière de risque professionnel. La question est pertinente et d'un intérêt majeur car les travailleurs sont généralement les premiers exposés aux risques industriels émergents. Le propos consiste donc à vérifier si, d'une certaine façon, la précaution, bien qu'absente du Code du travail, ne marque pas de son empreinte la gestion des risques professionnels. L'analyse est ambitieuse et suscitera sans doute la discussion voire la controverse.