Cet article analyse un corpus de manuscrits inédits composés par celui qui fut l’un des principaux collaborateurs de Cesare Beccaria au sein de l’"Accademia dei Pugni": Alessandro Verri. Diplômé de droit de l’Université de Pavie en septembre 1760 et admis trois ans plus tard au Collegio dei Nobili Giurisperiti, Alessandro Verri acquit une expérience des procédures pénales – cette fameuse expérience « pratique » que Beccaria disait n’avoir pas eue – en exerçant de 1763 à 1765, les fonctions de Protettore dei carcerati. Cette charge, que son aîné Pietro avait assumée en 1751-1752 et leur père avant eux, permettait aux jeunes juristes de se familiariser avec le milieu carcéral et le déroulement des procès. Alessandro Verri exerça son office à la prison de la Malastalla, ancienne œuvre pieuse destinée à l’enfermement des prisonniers indigents, qui était le siège de la société des Protecteurs. Au cours de cette période, il composa vingt-six défenses dont les manuscrits sont aujourd’hui conservés à l’Archivio Verri de Milan (Fondazione Raffaele Mattioli). Certaines sont de la plume de Beccaria, d’autres sont corrigées par Pietro Verri et Alfonso Longo, signe que ces travaux contemporains de la genèse puis des corrections des Delits et des peines se firent dans l’esprit de collaboration des Pugni. Ils offrent de ce point de vue une documentation d’une exceptionnelle richesse pour cerner le substrat concret qu’Alessandro, qui côtoyait dans l’exercice de ses fonctions le spectacle de la misère humaine, put fournir aux réflexions Beccaria.