La géographie n’a apparemment que peu à voir avec l’univers du conte. Pourtant, au-delà d’une explication rationnelle du visible, le chercheur en sciences sociales est bien vite confronté à la dimension imaginaire et culturelle des objets. Ainsi la forêt est-elle un objet éminemment symbolique, et tout particulièrement en Allemagne : plus encore qu’ailleurs, il semble qu’elle soit devenue l’archétype d’une nation. La forêt possède une forte dimension identitaire, elle qui a été investie au dix-neuvième siècle de nombreuses valeurs culturelles. Les écrits poétiques du romantisme, les mythes germaniques et les contes populaires s’y réfèrent constamment. Ceci aboutit à une mise en patrimoine progressive de la nature et de la forêt, tout comme les contes et les récits de la tradition orale furent consignés et recueillis par les érudits au dix-neuvième siècle. La forêt imaginée du conte et l’espace protégé des parcs naturels forestiers partagent un même code esthétique, un même imaginaire hérité du romantisme : on ne doit pas s’étonner de voir aussi coïncider leur expression spatiale, les lieux des contes étant systématiquement protégés. Le parc naturel allemand, au-delà de son rôle écologique, se trouve ainsi investi d’une valeur testimoniale symbolisée par la forêt. Il ancre l’imaginaire culturel d’une société dans son territoire et concrétise un désir : celui de s’affranchir de la tyrannie du temps et de pouvoir faire revivre son enfance, durant l’instant d’une visite en forêt, en accédant enfin au monde rêvé du conte.