Le rôle de La Tribune de Saint-Gervais dans la propagande en faveur d’une réforme de la musique d’église est bien connu. Durant les premières années du XXe siècle, le périodique de la Schola Cantorum fut un rouage essentiel dans la diffusion des idéaux portés par le motu proprio « Tra le sollecitudine », cette fonction étant complétée peu après par le suivi enthousiaste de la préparation de l’édition vaticane du chant de l’Église. Cependant, La Tribune n’était pas le seul organe de presse expressément dédié au vaste chantier en cours. En province, plusieurs ecclésiastiques entreprirent de fonder des revues qui, elles aussi, relayaient les axes du motu proprio tout en fournissant conseils et répertoires pour les mettre en application. Parmi ces périodiques locaux se détachent La Musique Sacrée : fondée par deux prêtres toulousains, ce mensuel émanait d’un important siège épiscopal doté d’une tradition musicale bien affirmée et fut édité durant un demi-siècle. La communication proposera une comparaison des dispositifs éditoriaux de La Tribune de Saint-Gervais et de La Musique Sacrée afin d’évaluer le positionnement initial des concepteurs de la revue toulousaine au regard du type de propagande mis en place par Charles Bordes depuis la rue Saint-Jacques, ainsi que leur degré d’intégration aux réseaux par lesquels transitaient les informations nourrissant l’actualité liturgique. D’autre part, l’examen du contenu de La Musique Sacrée entre 1902 (date de sa fondation) et 1906 (année à l’issue de laquelle Bordes perdit la main sur La Tribune) permettra de voir comment les membres de la rédaction toulousaine s’inspirèrent graduellement des procédés journalistiques de La Tribune au fur et à mesure qu’ils développèrent une position qui leur était propre dans plusieurs domaines (historicisme, goûts "nationaux", rythmique ou accompagnement du chant grégorien). Il s’agira ainsi d’observer comment des ecclésiastiques-musiciens en province s’engagèrent dans un processus paradoxal d’imitation de plus en plus étroite de Charles Bordes et de son entourage parisien doublée par un durcissement progressif de leur opposition à ces derniers.