Cet article porte sur les usages familiaux de la photographie enfantine réalisée par des photographes professionnels. Un genre dont les usages se sont généralisés, au point de s’imposer aux familles marocaines comme une obligation sociale incontournable. En effet, malgré la plus grande disponibilité d’outils visuels numériques, il y a une persistance et une amplification du recours à la photographie de studio, de la naissance à l’adolescence, lors des principales étapes du cycle de croissance de l’enfant, et annuellement à chaque célébration du Mouloud, de la veille du 27ème jour du Ramadan et de l’Achoura. Que signifient donc pour les familles ces photographies réalisées dans des contextes rituels et festifs ? Cet investissement dans la constitution de la mémoire visuelle de l’enfant peut-il être considéré comme l’indicateur d’une plus grande considération de sa personne et de sa singularité en tant qu’individu ? Ce travail part de l’hypothèse que la photographie enfantine, telle qu’elle est pratiquée au Maroc, est moins le reflet d’une plus grande reconnaissance de la personnalité de l’enfant, qu’un révélateur des représentations collectives de ce que doivent être l’enfant modèle et l’adulte idéal projeté par la société. La focalisation de cette recherche sur la photographie enfantine a donc pour objectif de questionner les fonctions sociales de la photographie de studio, chez les familles marocaines.