Bien que le combat pour les libertés et contre la vidéosurveillance ne soit guère à la mode en ce moment, il est essentiel de rappeler que la transformation de l'espace public en un lieu constamment sous le regard des forces de sécurité constitue une atteinte grave aux libertés les plus élémentaires. Comment peut-on mettre ainsi en balance les valeurs supérieures qui fondent la démocratie et l'efficacité, par ailleurs douteuse, de techniques dont l'effet liberticide est par contre certain ? N'assistons-nous pas là à une dérive de la ville « à l'américaine » ? Ceux qui regardent, horrifiés et critiques, les « villes privées » qui naissent outre-Atlantique, où les classes privilégiées ont choisi un développement séparé d'avec les classes défavorisés, doivent savoir que c'est bien la vidéosurveillance, et demain ses prolongements sur Internet, qui est l'outil de ce véritable apartheid social. Ces instruments commencent, depuis quelques années, à faire partie de l'environnement quotidien des Strasbourgeois. Les caméras ont d'abord envahi les espaces privatifs (grandes surfaces et galeries marchandes) avant de s'installer aux carrefours ou dans certains tunnels pour surveiller la circulation. Dans un tel climat, où l'insécurité réelle se transforme en rumeurs et en fantasmes, certains passages et de nombreux porches ont été fermés par des grilles. Après 20 heures, de nombreuses maisons sont transformées en forteresses. Grilles, systèmes d'alarmes, digicodes, chiens de garde veillent sur les nuits de la cité de la peur. La généralisation des bancs « anti-clochards » et des arrêtés municipaux de plus en plus sévères semblent contredire l'idée même de la ville comme lieu d'échange. La déréglementation généralisée de l'économie, le recul de la sphère non marchande, l'apparition